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jouissait d’une certaine aisance. Sa femme, glacée de frayeur, nia énergiquement qu’elle fût chrétienne, ce qui n’empêcha pas les satellites qui voulaient piller la maison, de la garrotter et de l’amener à la ville avec son mari. On saisit par la même occasion deux caisses de livres de religion, quelques-uns propriété de Philippe, les autres appartenant à différentes familles qui les avaient cachés chez lui. Le mandarin fit donner à Philippe et à sa femme une bastonnade assez légère, renvoya cette femme apostate qui était enceinte et fit le lendemain une fausse couche, et mit le mari à la grande prison. Il y resta généreusement jusqu’au 20 avril, jour où il eut, à son tour, le malheur d’en sortir par l’apostasie.

« En province, la persécution débutait d’une manière tout aussi menaçante. Le 21 mars, à Koui-san, district de Koang-tsiou, à quatre lieues de la ville, on arrêtait les frères Kim. Cette première fois ils purent se faire relâcher pour quelque argent, mais on les reprit plus tard. Le 28 mars, une catéchumène, marchande de cheveux, fut emprisonnée avec son fils aussi catéchumène. Cette femme peu instruite, mais extrêmement forte dans sa foi, souffrit à plusieurs reprises les plus cruels supplices, sans jamais proférer un seul mot d’apostasie.

« Dans la province de Kang-ouen, vers la fin de la première lune, un païen dénonça les chrétiens du village de Sie-tsi, et aussitôt de nombreux satellites furent lâchés à leur poursuite. Arrivés au village, ils ne trouvèrent que la famille de Jean T’soi Iang-pok-i ; tous les voisins avaient pris la fuite. Jean et les siens furent conduits à la prison de Ouen-tsiou. (Nous aurons occasion de reparler de lui à l’époque de son martyre, sept mois plus tard.) Les satellites avaient suivi les traces des autres chrétiens fugitifs, jusqu’au grand village de Kottang-i, district de Tsiei-t’sien. Ils étaient bien persuadés que presque tous y étaient réfugiés, mais ne sachant dans quelles maisons, et craignant de se compromettre, ils se bornaient à circuler et à faire le guet dans le voisinage. Quelques jours après, par l’imprudence d’un vieillard, un livre de religion tomba entre les mains d’un valet du prétoire. On parvint bien à le lui arracher, mais le bruit de cette querelle, presque insignifiante, se répandit en se grossissant de mille commentaires, et un nouveau catéchumène, saisi de frayeur, pensa ne pouvoir se mettre à l’abri qu’en allant faire lui-même une dénonciation. Il se rendit donc près du mandarin arrivé non loin de là pour surveiller la rentrée des impôts, et lui déclara les noms des chrétiens cachés dans le village. Sur-le-champ, le mandarin