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navire ne pouvait plus reprendre la mer. Enfin, le 10 juillet 1828, les missionnaires prirent passage sur un vaisseau portugais, et arrivèrent à Macao le 19. De son côté, le capitaine du navire français fréta une jonque chinoise pour transporter à Macao les quelques marchandises qui restaient, et partit trois jours après pour la même destination ; mais lui et ses hommes furent massacrés par l’équipage de la jonque, à l’exception d’un novice qui se jeta à la mer, et gagna en nageant une barque de pêcheur.

Lorsque M. Chastan, échappé à tous ces dangers, arriva à la procure de Macao, on parlait beaucoup de la mission de Corée que le Saint-Siège venait d’offrir à la Société des Missions-Étrangères. M. Chastan, qui, encore enfant, avait pensé que Dieu l’appelait en Corée, ne pouvait pas être insensible en apprenant cette nouvelle. Il écrivit dès lors au supérieur du séminaire de Paris pour le prier de l’adjoindre aux missionnaires qui seraient envoyés dans ce pays. « Quelle âme tant soit peu sensible, lisons-nous dans une de ses lettres à un de ses parents, regarderait d’un œil indifférent l’état de ces pauvres chrétiens ? Ayez la bonté, mon cher cousin, de dire à ces bons séminaristes de ranimer leur courage et devenir prendre part au gros lot. Il y va de la tête, je le sais bien, mais il faut être diminué pour augmenter la gloire de notre Dieu qui le premier a donné l’exemple en mourant sur l’arbre de la croix. D’ailleurs, en tout état de cause et en tout pays, il faut mourir ; et un digne soldat de Jésus-Christ ne doit-il pas préférer de mourir sur le champ de bataille, les armes à la main, combattant pour la gloire de son roi, qu’entre les bras de sa mère ? »

Les désirs de M. Chastan ne purent alors se réaliser ; il fut envoyé dans l’île de Poulo-Pinang qui appartenait à la mission de Siam, et placé pendant quelque temps au collège général des Missions. C’est là qu’il commença ses travaux apostoliques en instruisant les jeunes Chinois ou Annamites destinés au sacerdoce. Les lettres de ses confrères de Pinang nous le représentent pendant son séjour au collège comme un missionnaire très-doux, très-pieux, enfermé presque continuellement dans sa chambre, occupé à prier et à étudier, et prolongeant ses exercices de piété bien avant dans la nuit. Son caractère cependant le rendait plus propre à un ministère actif qu’à l’enseignement et à la surveillance d’un collège. Il aurait voulu pouvoir exercer son zèle auprès des Chinois païens, très-nombreux dans l’île de Pinang. Ses supérieurs lui permirent de suivre son attrait, et Dieu bénit ses efforts. « Diriger des âmes pieuses, disait-il, est un travail trop délicat pour moi ; il me faut quelque chose de