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main. Je pensai de nouveau au danger que nous courions, mais rien de fâcheux ne nous arriva. Enfin, à quelques pas de là, ou m’introduisit dans un petit appartement qui avait la forme d’un grand four de boulanger. Trois chrétiens étaient venus auparavant le disposer pour recevoir mon très-cher seigneur de Capse, afin de n’être pas obligés d’entrer dans une auberge à une heure indue. J’y retrouvai celui de mes conducteurs qui était parti en avant avec le cheval. Nous prîmes une misérable collation de navets crus salés et de riz cuit à l’eau, et nous nous étendîmes comme nous pûmes, au nombre de six, dans cette étroite enceinte, pour y passer le reste de la nuit. Deux ou trois heures après, il fallut prendre un second repas semblable au premier et se remettre en route une heure avant le jour. Mes pieds étaient couverts d’ampoules ; mais ces sortes de peines n’arrêtent pas un missionnaire. Je repartis donc à pied comme la veille. À trois ou quatre lieues d’I-tchou, je trouvai deux autres chrétiens, avec deux chevaux : dès lors, je continuai mon voyage ordinairement à cheval.

« Il eût été plus facile de me cacher, si j’avais voyagé en voiture ; mais les Coréens connaissent à peine ce moyen de transport. Je n’ai pas vu dans toute ma route plus de trente voitures. Ce sont des espèces de grandes et larges échelles, garnies d’échelons d’un côté, jusqu’au milieu seulement, et fermées de l’autre par une forte barre. Ces échelles sont montées sur deux roues, de la hauteur et de la dimension des roues de charrue ; on abat le bout dépourvu d’échelons sur le cou d’un bœuf, et on l’y attache avec une corde passée sous la gorge. Voilà toutes les espèces de voitures et d’attelages qu’il y a en Corée. Les gros fardeaux se transportent sur des bœufs, et les moins pesants sur des chevaux.

« Deux jours avant d’arriver à Han-iang, capitale de la Corée, je rencontrai cinq chrétiens, que M. Yu avait envoyés au-devant de moi. Nous nous trouvâmes douze hommes et nous avions trois chevaux : il n’en fallait pas tant pour attirer les regards et augmenter le danger. Les groupes les plus nombreux de voyageurs que nous avions rencontrés, étaient de cinq ou six personnes. Aussi Paul Ting (Tieng) et François Tchio (Tsio), mes deux principaux guides, voulurent-ils nous diviser pour entrer dans la capitale. Un chrétien me précéda à cheval et deux autres me suivirent à pied. C’est ainsi que j’entrai dans la ville avec moins de danger. Les autres chrétiens restèrent par derrière. On me conduisit aux maisons que les Coréens avaient achetées