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en quatre mois de l’année, et c’est la seule époque à laquelle les missionnaires pourront entrer dans ce pays, jusqu’à ce que nous ayons trouvé d’autres voies.

« Deux lieues à peu près avant d’arriver à ce fleuve, deux de mes conducteurs partirent avec le cheval qui nous aurait embarrassés, et nous prolongeâmes notre marche de manière à n’arriver à la dernière branche du fleuve, sur la rive gauche de laquelle se trouve la douane la plus redoutable, que sur les dix ou onze heures de la nuit.

« Lorsque nous eûmes fait environ une lieue, on me dit que nous approchions. Quelques Coréens venaient à notre rencontre. Aussitôt on me fit signe, je me laissai tomber et je restai couché par terre, gémissant comme un malade, jusqu’au moment où ils ne purent plus nous voir. Ensuite on me fit relever pour traverser plusieurs groupes de marchands coréens arrêtés sur la route pour prendre leur repas, car il n’y a aucune auberge entre Pien-men et la frontière de la Corée. Enfin nous traversâmes les deux premières branches du fleuve et nous arrivâmes à la troisième, bien fatigués. Depuis minuit de la nuit précédente, nous étions en route, et presque toujours à pied, je n’avais pas fait deux lieues à cheval. Celui qui était désigné pour me porter, Pierre Som-pey, me prit alors sur son dos, et nous nous avançâmes à petits pas, en traversant le fleuve, jusqu’à une perche environ de la porte d’I-tchou (Ei-Tsiou), où se trouve la douane coréenne. Au lieu de nous exposer aux dangers de l’inspection et des questions que font ordinairement les préposés de cette douane à chaque voyageur, nous enfilâmes un aqueduc construit dans le mur de la ville. Un de mes trois conducteurs était déjà passé, et se trouvait à une portée de fusil en avant, lorsqu’un chien de la douane, nous apercevant sortir du trou, se prit à aboyer contre nous. Allons, pensais-je en moi-même, c’est fini. Les douaniers vont venir ; ils vont nous voir en fraude et nous questionner longuement : ils me reconnaîtront infailliblement pour étranger. Que la volonté de Dieu soit faite ! Le bon Dieu ne permit pas cependant qu’il en arrivât ainsi ; nous continuâmes à avancer dans la ville et personne ne parut.

« Je pensais que nous allions entrer de suite dans quelque auberge ou dans quelque maison destinée à me cacher ; point du tout. Nous avions encore à passer une douane. Il y avait un autre aqueduc dans les murs du quartier où nous nous trouvions ; nous nous glissons dans cet aqueduc. Au moment où j’y entrai, j’aperçus à l’autre bout un homme qui passait, une lanterne à la