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prodiges. Sa parole toute-puissante, qui est esprit et vie, change complètement les cœurs qui la reçoivent. De ces êtres si timides, elle fait des héros ; de ces pauvres idolâtres, elle fait des saints ; de ces esclaves aplatis dans une servitude sans nom, elle fait des hommes qui, — chose inouïe dans l’extrême Orient, — osent dire Non à leurs juges et même à leurs rois ; de ces ignorants, elle fait des savants qui connaissent le vrai Dieu et la véritable destinée de l’homme, c’est-à-dire tout ce qu’il importe à l’homme de savoir. Elle tue dans son germe ce mépris inné que partout et toujours, dans les sociétés païennes, les riches, les puissants, les lettrés, ressentent pour les pauvres, les déshérités, les misérables ; elle rapproche les classes extrêmes de la société, et apprend à tous qu’ils doivent s’aimer comme des frères, parce qu’ils sont les enfants du même Père qui est au ciel. Elle fait pratiquer la chasteté au milieu des fanges du paganisme ; elle change les tribunaux des persécuteurs en autant de chaires où l’Évangile est publiquement prêché ; elle peuple le ciel de confesseurs et de martyrs.

D’un autre côté, nous voyons le démon et ses suppôts employer toujours les mêmes armes, mettre en jeu les mêmes passions, propager les mêmes calomnies, se servir des mêmes ruses, commettre les mêmes crimes, avoir la même soif du sang innocent. À entendre les questions des mandarins dans les interrogatoires, ces menaces, ces promesses, ces insinuations, ces accusations de révolte, de crimes mystérieux ; à voir cette injustice flagrante qui laisse libres des sectes et des doctrines impies pour ne persécuter que les disciples de Jésus-Christ, ne se croirait-on pas dans les prétoires romains des trois premiers siècles ?

Et, en effet, ce sont toujours les mêmes adversaires, le Dieu fait homme et Satan ; c’est toujours la même lutte, avec des péripéties analogues, aboutissant tôt ou tard à la même victoire. L’histoire de cette pauvre mission de Corée, perdue à l’extrémité du monde, n’est qu’un épisode de l’histoire de l’Église catholique et, en Corée, comme ailleurs, cette histoire prouve que l’Église, bien que ses ennemis la croient toujours à l’agonie, sort plus brillante et plus forte de tous les assauts. Au moment où le pape Grégoire XVI donnait un évêque à cette chrétienté désolée, dans quel état se trouvait-elle, humainement parlant ? Çà et là quelques confesseurs que le gouvernement dédaignait de tuer et qu’il laissait pourrir dans les prisons ; de loin en loin quelques fidèles honnêtes et fervents qui espéraient contre toute espérance et luttaient de toutes leurs forces contre le relâche-