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tion, quoique sanglante, est contenue un peu par la modération personnelle du roi et par la présence au pouvoir du parti des Nam-in, auquel appartenaient la plupart des premiers prosélytes. Dans le principe ce sont surtout des nobles, des savants, des lettrés qui se font chrétiens. Plusieurs peut-être ne voyaient tout d’abord dans l’Évangile qu’une école de haute philosophie ; mais à peine l’eau du baptême a-t-elle touché leurs fronts, que le véritable esprit chrétien se manifeste en eux ; ils se répandent, ils prêchent partout et à tous, ils ramassent autour d’eux les petits et les ignorants. Enfin la présence du prêtre aide à régulariser leurs efforts, à organiser cette chrétienté naissante, à la fortifier pour les prochaines épreuves.

La seconde époque, c’est la grande persécution de l’année 1801. À la mort du roi, la haine religieuse, envenimée par la haine politique, éclate avec une fureur inouïe, et la nouvelle Église est, pour ainsi dire, noyée dans le sang. Presque tous ces nobles, tous ces docteurs, si nombreux parmi les néophytes dans les premiers temps, disparaissent, les uns en mourant glorieusement pour la foi et en laissant d’impérissables exemples de courage et de charité, les autres, qui ont aimé la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu, en scandalisant leurs frères par une lâche apostasie. La persécution finie, le parti ennemi des chrétiens demeure en possession du pouvoir ; la chrétienté, composée maintenant de faibles, de pauvres, de petits, d’ignorants, reste meurtrie, désorganisée, et désormais sans appui humain.

La troisième époque s’étend depuis 1801 jusqu’à l’époque à laquelle nous sommes arrivés. La persécution dure toujours, comme un monstre souvent assoupi, qui se réveille de temps à autre dans des accès de rage. Le gouvernement laisse les chrétiens plus tranquilles, parce qu’il méprise leur faiblesse, et qu’il n’y a plus parmi eux de personnages dont l’influence ou la richesse puisse exciter sa jalousie, mais il ne les tolère pas, et les lois de proscription sont toujours en vigueur. Cette Église néanmoins se reforme, s’étend, et pour obtenir des pasteurs fait de continuelles tentatives, que le triste état de la chrétienté de Chine et le contrecoup des révolutions d’Europe rendent longtemps inutiles.

Telle est, en quelques mots, l’histoire de l’Évangile dans ce pays durant ces cinquante années ; histoire à la fois triste et consolante, pénible et glorieuse, et d’où ressortent pour la foi d’un chrétien les plus magnifiques enseignements.

Nous y voyons, d’un côté. Dieu accomplir toujours les mêmes