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Pendant qu’on le torturait cruellement, il s’écria : « Eh quoi ! je vais bientôt mourir de vieillesse ; il y a trente ans que j’observe les commandements du Seigneur créateur du ciel et de la terre, et vous voudriez que par une parole infâme, je perde en un instant l’amour de mon Dieu ! » Qui ne se rappellerait les paroles du disciple de saint Jean en pareille circonstance : « Il y a quatre-vingt-dix ans que je sers le Christ et il ne m’a jamais fait de mal, comment voulez-vous que je le maudisse ? » Les sentiments sont semblables, parce que le même Esprit de Dieu inspirait les deux martyrs.

Après une glorieuse confession, Pierre eut le bonheur de s’entendre condamner à mort. Il signa joyeusement sa sentence, après quoi, chargé d’une lourde cangue, il fut envoyé dans une prison à part. À son arrivée les prisonniers païens, parmi lesquels un bachelier nommé Kim, furent tous étonnés de l’air de sainte joie qui paraissait dans la contenance et sur le visage du chrétien. « Chacun a ses fautes à payer, disaient-ils, mais pourquoi ce vieillard, loin de craindre la mort, semble-t-il si content de la subir ? Maître, pourquoi semblez-vous si heureux ? — C’est, répondit Pierre, que le Dieu que je sers est le grand roi du ciel et de la terre, le père de toutes les créatures et, plutôt que de le renier, j’aimerais mieux mourir dix mille fois pour lui. — S’il en est ainsi, reprirent les prisonniers, faites-nous donc connaître cette doctrine. » Pierre ne se fit pas prier et, à dater de ce jour, leur développa fréquemment les vérités de la religion et les commandements de Dieu. Il passa ainsi près de huit mois, toujours inquiet de ce que Dieu semblait ne pas vouloir accepter son sacrifice, et se recommandant sans cesse à la sainte Vierge. Tout à coup il tomba malade et, en peu de jours, rendit paisiblement son âme à Dieu, dans le commencement de la cinquième lune de l’année kiei-sa (juin 1833). Il était âgé de près de soixante-dix ans, et avait subi cinq fois la question comme les plus grands criminels, sans compter les autres supplices.

On fit connaître sa mort aux membres de sa famille, et quand ils vinrent réclamer le corps, le bachelier païen Kim leur dit : « Au moment de la mort de Pierre Hoang, une vive lumière apparut dans toute la prison. Nous tous, ses compagnons de captivité, sortîmes pour voir ce que c’était. Un feu brillait dans sa chambre, nous y entrâmes et vîmes une colombe qui tournait au-dessus de lui et, quelques minutes après, il expirait. » C’est ainsi que Dieu se plaît, même ici-bas, à glorifier ceux qui meurent pour sa gloire.