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Les mandarins militaires ne sont choisis que parmi les nobles ; mais quelque élevée que soit leur dignité, ils sont beaucoup moins considérés que les mandarins civils. Vis-à-vis de ces derniers, ils sont presque sur le pied des gens du peuple. Leur posture et leur langage doivent témoigner du respect le plus profond, et certains privilèges, tels que le droit de se servir d’une chaise à roues, ne leur sont jamais concédés, fussent-ils même généraux. Ils ressentent vivement cette inégalité, et dans les temps de troubles, quand l’autorité passe de fait dans leurs mains, ils se vengent en humiliant et ravalant le plus possible les mandarins civils. Cet antagonisme fait comprendre pourquoi, en général, les nobles qui sont dans les emplois civils ne permettent pas à leurs enfants de rechercher les grades militaires, et pourquoi ces grades sont pour ainsi dire de génération en génération le patrimoine des mêmes familles. Il y a cependant des exceptions à cette règle, et plus d’une fois, les descendants des employés civils font bon marché de la considération et recherchent les charges militaires comme plus lucratives.

Tous les emplois civils et militaires sont à temps. Un gouverneur ne peut rester en charge que deux ans, mais s’il a du crédit à la cour, il peut obtenir d’être transféré sans délai dans une autre province. Généralement, on ne peut exercer les fonctions de mandarin plus de deux ans de suite, au plus trois ans, après quoi on rentre dans la vie privée, jusqu’à ce qu’on obtienne une autre charge. Ceux qui ont exercé une fois ces fonctions conservent toujours quelques marques extérieures de leur dignité ; ils ne sortent plus à pied et sans cortège, et l’usage est d’ajouter à leur nom le titre de la préfecture où ils ont été, ou de la charge qu’ils ont remplie.

La paye des divers mandarins civils et militaires, surtout celle des gouverneurs, est exorbitante, eu égard aux ressources du pays, et à la valeur considérable de l’argent dans une contrée où quelques centimes représentent la nourriture nécessaire d’un homme chaque jour. Un fonctionnaire qui le voudrait, pourrait très-facilement mettre de côté, en un ou deux ans, de quoi vivre à l’aise le reste de ses jours. Mais il est rare qu’un mandarin ait l’esprit d’économie. À peine entré en charge, il se met sur un pied de prince, affiche un luxe extravagant, et comme, d’après les mœurs du pays, il doit entretenir non-seulement sa famille, mais toute sa parenté, il quitte ses fonctions, une fois le terme arrivé, aussi pauvre qu’auparavant, et souvent avec des dettes de plus.

Les dignitaires du palais ne touchent aucun traitement. On