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Le roi alors régnant était Sioun-tsong, prince aimé et estimé de son peuple. Bien qu’âgé seulement d’une quarantaine d’années, il ne se sentait plus ni la force, ni l’envie de rien diriger par lui-même. Ses facultés mentales semblaient s’affaiblir de jour en jour, il soupirait après le calme et la tranquillité, et voulait à tout prix se décharger des soucis du gouvernement. Dans ce but il avait, depuis quelque temps, associé à la conduite des affaires son fils Ik-tsong, et s’était fait préparer, pour sa retraite, un palais à la ville de Siou-ouen, éloignée de soixante lys (six lieues) de la capitale. L’époque à laquelle il devait s’y retirer définitivement n’était pas éloignée, lorsqu’en 1830, le jeune roi fut attaqué d’une maladie grave qui bientôt fit craindre pour ses jours. Toute la science des médecins de la cour étant inutile, on résolut d’appeler près du malade quelques-uns des plus célèbres docteurs du royaume. L’un d’eux était Jean Tieng Iak-iong, que nous avons vu condamner à l’exil, vers la fin de 1801. On l’avait, il est vrai, rappelé en 1818, mais la grâce accordée n’était pas complète ; il n’avait pas été réintégré dans ses dignités, et menait la vie de simple particulier. Or, d’après les usages, la porte du palais ne peut être ouverte à de pareilles personnes, et à plus forte raison, le roi ne peut pas les recevoir en sa présence. Comme le danger pressait, un édit royal rétablit immédiatement Jean Tieng dans tous ses honneurs et dignités, et rendit à sa famille ses titres héréditaires de noblesse. Mais il était trop tard pour le jeune prince, et l’habileté de Jean ne put lui sauver la vie. Il mourut quelques jours après et, comme il avait eu en main l’administration du royaume, on lui fit de pompeuses obsèques, comme à un roi, et non pas seulement comme à l’héritier présomptif de la couronne. Les cérémonies furent troublées par un accident que tous regardèrent comme de sinistre augure. Le feu prit à l’appartement ou se faisait la pompe funèbre, et le cercueil fut à demi brûle, ainsi que tous les ornements qui le décoraient.

Depuis son retour de l’exil, Jean Tieng avait repris avec plus de ferveur qu’auparavant tous ses exercices religieux. Touché d’un sincère repentir pour le crime qu’il avait commis en 1801, en reniant de bouche la foi de Jésus-Christ, il vivait séparé du monde, presque toujours enfermé dans sa chambre, où il ne recevait qu’un petit nombre d’amis. Il se livrait fréquemment au jeûne et autres exercices de pénitence, et ne quittait jamais des chaînes de fer dont il s’était fait une ceinture fort douloureuse. Ses méditations étaient longues et fréquentes. Il a laisse par écrit une partie de ses réflexions, ainsi que divers autres ouvrages,