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de la nuit afin d’éviter à ses parents l’inquiétude que son retard eût pu leur causer. Le moindre signe, le moindre désir de leur part, étaient pour lui des ordres.

Un jour, son père ayant dit par manière de conversation : « Notre maison est bien étroite, et ne serait-ce que pour pouvoir donner au besoin l’hospitalité à quelques chrétiens sans asile, il serait bon que nous eussions deux ou trois chambres de plus ; » ces paroles furent un ordre pour André. Dès ce jour, tout en se livrant à ses travaux habituels, il ne manqua pas, chaque fois qu’il sortait, de rapporter une ou deux poutres ou solives, et bientôt il put construire ce que son père avait semblé désirer. De toutes parts, les chrétiens affluaient dans cette maison bénie, et comme Paul, tout pauvre qu’il fût, n’était pas en repos s’il ne pouvait traiter convenablement ses hôtes, André, entrant dans ses vues, trouvait moyen de faire face aux dépenses, même quand il lui fallait, pour cela, se refuser et refuser aux siens le nécessaire. Plusieurs fois des chrétiens riches, touchés de cet admirable dévouement d’André pour son vieux père, et sachant dans quelle pénurie il vivait lui-même, lui firent passer quelques secours en argent. Mais André ne voulait pas les recevoir, et disait : « Il est juste que je paye moi seul, par mon travail, les dettes que je contracte pour soutenir mon père et ma famille. » Et quand il ne pouvait pas renvoyer ces dons, loin de les approprier à son usage, il les distribuait en aumônes à quelques chrétiens plus pauvres que lui. C’est ainsi que ce pieux néophyte passait sa vie dans l’exercice de toutes les vertus, lorsqu’il fut saisi avec son père. Comme lui, il fit preuve d’une patience et d’un courage extraordinaires dans les supplices, et tous deux ensemble furent transférés du tribunal de Siang-tsiou à celui de Tai-kou.

D’après la loi du royaume, on ne doit pas faire subir la question au père et au fils simultanément, dans le même lieu. André voyant l’état de faiblesse et d’épuisement où son père était réduit par la prison et les tortures, ne pouvait supporter la pensée de le quitter, même pour quelques instants. Il exposa ses craintes au juge qui, touché de sa piété filiale, lui dit : « D’après la loi, je ne devrais pas en agir ainsi, mais toutefois je ne puis refuser d’entrer dans tes vues, car ce que tu demandes est juste et convenable. « Aussi, quoique les autres prisonniers fussent mis à la question chacun à part, il la fit toujours subir simultanément à André et à son père ; et André, alors même qu’après les supplices il pouvait à peine faire usage de ses membres, s’approchait pour soutenir et rendre plus légère la cangue dont son père était