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son, sans cesse il avait relevé le courage de ceux qui étaient tombés, raffermi les faibles, consolé et soutenu ses compagnons de captivité, édifié et instruit les païens, forcé l’admiration de ses juges eux-mêmes. Parmi les autres prisonniers, un petit nombre, il est vrai, eurent le courage d’imiter ses exemples, mais tous l’admiraient et l’aimaient, tous pleurèrent sa mort, et encore aujourd’hui, tous les fidèles ont sa mémoire en vénération.

Il était temps cependant de décider enfin du sort de tous ces chrétiens que, durant plus de deux mois, on avait réuni comme par troupeaux de toutes les parties de la province, et entassés dans les cachots de Tsien-tsiou. La plupart, nous l’avons déjà dit, avaient cru, par une lâche apostasie, éviter les tortures, et racheter de suite leur vie et leur liberté. En cela, ils s’étaient trompés, et quoique dans la prison on les traitât avec un peu plus d’indulgence, ils virent bientôt que les juges n’étaient pas d’humeur à leur pardonner si vite le crime d’avoir adoré Jésus-Christ. Vers le milieu de la cinquième lune, on prépara le dénouement de leur procès. Vingt-quatre mandarins furent appelés pour coopérer à leur jugement, et siégèrent en un même jour dans les diverses parties du tribunal. Chacun d’eux avait à questionner un certain nombre d’accusés, cinq par cinq.

On commença par administrer à chacun de ces malheureux apostats, trente coups de bâton, de sorte que, sans aucun mérite pour eux, leur sang coula, leurs corps furent meurtris et couverts de blessures. Puis, après quelques questions, on leur passa la cangue au cou, et on les renvoya à la prison. Dix jours après, chacun d’eux fut encore appelé, reçut deux ou trois volées de coups de bâton, et entendit sa sentence définitive. Les moins compromis, ainsi que ceux qui avaient non-seulement renié Dieu, mais trahi et dénoncé leurs frères, furent relâchés immédiatement. Les autres furent condamnés à l’exil dans diverses parties éloignées du royaume. Alors, ces infortunés qui n’avaient pas perdu la foi, et à qui la conscience reprochait cruellement leur faute, se dirigèrent chacun vers le lieu qui lui était assigné, trop heureux si, comme nous avons lieu de l’espérer pour le plus grand nombre, ils surent recevoir ce châtiment de la justice humaine en satisfaction de ce qu’ils devaient à la justice de Dieu.

Le sort des apostats étant ainsi réglé, il fallait en finir avec les huit ou dix chrétiens fidèles, qui persistaient dans leur généreuse profession de foi. En voyant les prisons se vider autour d’eux, ils s’interrogeaient mutuellement du regard et se disaient :