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seul. Tout mon corps se changeât-il en lèvres, comment chanter assez les louanges de Dieu ? Vous tous, chrétiens, veuillez, en ma place, remercier et remercier encore le Seigneur. J’aurais encore mille choses à dire, mais le temps me manque ; nous nous retrouverons dans l’éternité.

« P.-S. — Le 19, je fus reconduit devant le juge criminel, je signai de nouveau ma condamnation, et après m’avoir mis la cangue et les fers aux pieds, on me renvoya à la prison, et on dépêcha de nouveau au roi. J’étais certainement heureux dans le fond de mon âme, mais mes forces physiques et morales étaient épuisées, j’avais peine à calmer mon cœur effrayé. Revenu à la prison, je conversai avec quelques chrétiens, nous nous consolâmes mutuellement, et depuis ce temps, soutenu d’abord par la grâce de Dieu et le secours de Marie, puis aidé par mes compagnons de captivité, je passe les jours sans aucune nouvelle inquiétude. J’ignore encore quel sera le dénouement. Se pourrait-il bien que Dieu me rejetât ? Je le prie instamment, daignera-t-il m’écouter ? Je ne puis qu’espérer, et j’espère, oui j’espère. »

De la prison où il fut déposé en attendant la réponse définitive du roi, Paul écrivit plusieurs autres lettres, que les chrétiens ont pieusement conservées. Elles méritent de figurer dans cette histoire avec celles de sa sœur Luthgarde. On y trouve les mêmes accents de foi vive, de ferme espérance, d’humilité héroïque, d’amoureuse résignation à la volonté de Dieu. La première est adressée à sa mère, et collectivement à tous les membres de sa famille.

« Ma mère, ma sœur, mon frère, ma belle-sœur, ma femme : Depuis treize ans que j’avais quitté la maison paternelle, jusqu’au jour de mon arrestation, je n’ai pu aller vous saluer que deux fois. C’est là, de ma part, un grand manque de piété. Pendant trente-six ans, aucun jour ne s’est passé pour moi sans quelque faute plus ou moins grave, je n’ai fait que manquer aux devoirs de la piété filiale, et aujourd’hui contre toute attente, par une grâce toute spéciale. Dieu appelle aux félicités de la vie éternelle cet être plein de péchés et de méchanceté. J’en suis honteux et je tremble, mais pourrais-je ne pas me soumettre à sa volonté sainte ?

« L’occasion est trop belle pour que je la laisse échapper. Je suis résolu à donner ma vie pour Dieu. Mais ce qui m’effraye, c’est d’avoir perdu inutilement, pour mon salut, plus de trente années. Tout le reste me fait peu d’impression. Même en ce jour, je n’ai ni ferveur, ni contrition, ni charité parfaite ; mais mon seul espoir étant en la miséricorde sans bornes de Dieu