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Dans ce pays où les secondes noces sont en déshonneur, surtout parmi les personnes de haut rang, beaucoup de jeunes veuves ne pouvant supporter leur isolement, cherchent à se faire accepter comme concubines par des nobles. Or un jour, une vieille femme vint à Paul et lui présenta un rouleau qui ressemblait à une composition littéraire. Il l’ouvrit : c’était une lettre d’une jeune veuve riche qui lui découvrait ses désirs et l’engageait à y répondre. La tentation devait être violente pour lui si pauvre, et que sa femme avait rendu si malheureux ; néanmoins, sans hésiter une seule minute, il chassa brusquement l’entremetteuse. Celle-ci, sans se décourager, se présenta une seconde fois, et il la chassa de nouveau, avec une verte réprimande. Elle revint une troisième fois, et Paul dont les sentiments n’avaient pas changé, pensant qu’il pourrait peut-être prêcher et convertir la jeune veuve, fit semblant de donner son consentement, et suivit la vieille servante. Il arriva d’abord chez elle, et apprit bientôt qu’elle était la nourrice de la veuve. La nuit venue, elle le fit entrer dans une belle et grande maison où tout respirait l’aisance et le bien-être, le conduisit tout au fond, dans une des pièces de l’appartement des femmes, l’y fit asseoir, puis se retira. Bientôt une jeune personne vêtue de blanc, couleur de deuil que les veuves doivent toujours porter, se présenta tenant en main une lanterne, ouvrit la porte et s’assit non loin de lui. Le cœur de Paul était calme. Il lui parla uniquement des vérités de notre sainte Religion, de Dieu, des Anges, de l’âme et du péché, des joies du ciel et des peines de l’enfer. Dans une seconde visite, il l’instruisit des mystères de l’Incarnation et de la Rédemption. Dans l’intervalle, la jeune veuve lui envoya plusieurs fois, par sa nourrice, des objets de grand prix ; mais Paul refusa de les recevoir, et commanda à celle-ci de les déposer chez elle. Dieu, qui voyait la pureté de son cœur, le récompensa en lui accordant la conversion qu’il demandait. La jeune veuve s’appliquait à apprendre les principales prières, quand tout à coup elle tomba dangereusement malade. Elle fit aussitôt avertir Paul qui, saisissant un moment favorable, se rendit chez elle, compléta son instruction, et lui conféra le baptême. Trois jours après elle mourut. Paul dit alors à la vieille nourrice de reporter à la maison de la défunte les objets précieux déposés chez elle, mais comme elle le trouvait inconvenant, il les reçut lui-même, les vendit, puis, sous prétexte de restituer une somme empruntée autrefois, en fit remettre intégralement le prix aux héritiers de cette veuve, sauvant ainsi à la fois et sa pureté héroïque et son admirable désintéressement.