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enfin me fit prendre du vin. Cette conduite me consola beaucoup, et je fus vivement touché de ces marques de compassion.

« Bientôt la porte de la préfecture s’ouvrit et des valets arrivèrent pour m’y transporter. Le juge dit d’une voix forte : « Pense à ce que je t’ai dit hier et fais franchement les aveux demandés. — Hier, répondis-je, j’avais perdu connaissance, je ne me rappelle pas vos ordres. Pour ce qui est de faire des aveux, si j’en avais à faire, je n’aurais pas attendu jusqu’à présent. — Ni Ie-tsin-i était certainement chez toi, et tu connais ses affaires ; si tu ne l’avoues pas, malheur à toi ! — J’ignore quel est ce Ni, mais supposé même que je l’eusse caché alors, comment pourrais-je savoir où il est allé maintenant ? Je ne puis rien vous en dire. Il n’est ni mon père, ni mon frère ; serait-il juste que je me fasse tuer pour lui ? Si vous voulez me mettre à mort, que ce soit pour mes propres fautes. — Il paraît que tu as trouvé le supplice d’hier léger, et tu veux en goûter de plus violents. Eh bien ! soit ! » En même temps il excita les bourreaux en disant : « Ce coupable, quoique vieux, est le plus obstiné de tous. Ne l’épargnez pas. » Et il me fit infliger de nouveau l’écartement des os des jambes. On serra les courroies et déjà j’étais presque évanoui, quand à force de presser, un bâton se brisa. Au bruit, je crus ma jambe cassée et je regardai tout effrayé. J’entendais des paroles et ne pouvais répondre. On m’apporta du vin et on l’approcha de mes lèvres ; mais je ne pus l’avaler. Après quelques moments de repos, on me le présenta de nouveau et, peu à peu, je pus boire cette potion. Le juge dit à voix modérée : « Tu veux absolument mourir pour l’affaire d’autrui. Je ne comprends pas les principes. » Puis il fit préparer son escorte, monta à cheval et se rendit près du mandarin supérieur.

« Comme il ne m’avait pas fait délier, je restai assis et exposé à l’ardeur du soleil. Toutefois, je ne sentais pas la chaleur, l’air me semblait froid. Après un assez long espace de temps, le juge revint et me dit d’un ton irrité : « Puisque tu ne veux pas faire d’aveux, il faut que tu meures ou que je perde ma place. Il n’y a pas de milieu. Ainsi donc, recommencez les tortures. » On obéit ; les souffrances n’étaient ni plus ni moins fortes ; seulement on variait les tourments, mais pour moi, c’était tout un. Le soir venu, je fus délié et remporté à la prison. Je ne pus manger le riz : on me donna une tasse de vin, et la nuit se passa ainsi. Le matin, j’entendis de nouveau les cris pour l’ouverture des portes de la préfecture. Ces cris me faisaient mal, et je croyais toujours entendre l’appel des accusés. Par le fait, les valets ne tardèrent pas