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fait. Au moment de mourir, comment pourrais-je tromper ? — Non, non, tu n’en mourras pas, mais tu auras beaucoup plus à souffrir ; vois un peu. » On me leva donc les jambes, et on appuya fortement sur les deux bâtons. Mon corps n’avait plus de vie, toute salive était épuisée, la langue s’allongeait hors de la bouche, les yeux sortaient de leurs orbites et la sueur couvrait tout mon corps. « Déclare tout, » hurlaient les satellites. Mais je ne répondis pas ; je priais Dieu de m’accorder promptement la mort. C’était le dernier jour de la quatrième lune. La nuit étant venue, le juge dit : « Il se fait tard. Comme c’est le premier jour, tu n’as eu qu’un échantillon, demain tu auras de vrais supplices à supporter. Tâche donc de réfléchir cette nuit, et d’aviser à conserver ta vie. » On me délia, et deux valets, me passant un bâton entre les jambes, m’emportèrent dans la prison, où bientôt on me servit à souper. Mais je ne pouvais ni m’asseoir, ni faire usage de mes bras : bien plus, l’odeur du riz me donnait des nausées, et comme je ne pouvais rien prendre, on approcha de mes lèvres un bol de vin trouble que je bus par petites gorgées ; alors seulement la raison sembla me revenir.

« La nuit était déjà avancée, quand le chef des satellites qui m’avait amené à Tsien-tsiou, vint me dire ; « Vous êtes digne de pitié. Le mandarin est convaincu que Ni Ie-tsin-i est chez vous, ou bien, s’il n’y est plus, que vous savez où il est. Demain vous aurez pour cette affaire de terribles supplices à endurer. Il vaudrait mieux, ce me semble, l’avouer franchement et vous sauver la vie. » Je répondis : « J’ignore quel est cet homme. En le voyant, je pourrais peut-être dire s’il m’est connu ou non ; il n’est ni mon père ni mon frère, quelle raison aurais-je de le cacher au prix de ma vie ? Mais toi qui as vu ma maison, tu peux savoir ce qu’il en est. Y était-il caché ? Et d’ailleurs, comment pourrais-je savoir où il s’est enfui maintenant ? Il me semble que dans cette affaire, tout dépend de tes paroles. » Il répondit : « À cause de ce Ni, le mandarin et les prétoriens m’accusent d’incapacité, pour ne l’avoir pas encore pris. Je n’ai plus rien à dire : mais à coup sûr, vous en savez quelque chose. Agissez en conséquence. On me reproche aussi de n’avoir saisi chez vous aucun livre. J’ai dit qu’après avoir tout examiné, je n’en avais pas trouvé. On vous interrogera aussi là-dessus : répondez net que vous n’en aviez pas. » Après quoi il suspendit la cangue dont j’étais chargé, afin qu’elle me fît moins souffrir : il appela le gardien pour lui recommander de me rendre les services de propreté que demandait ma position, ajoutant qu’il lui en tiendrait compte, puis