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dis : Une fois ici, la différence entre noble et roturier ne sert plus guère de rien. — On dit que dans trois provinces tu répands une doctrine perverse, et en infatués le peuple : est-ce vrai ? — Je ne suis pas de doctrine perverse, mais seulement la religion du Maître du ciel. — Il ne veut pas dire une doctrine perverse ! Il dit la religion du Maître du ciel ! Eh bien ! en suivant la doctrine perverse du Maître du ciel, savais-tu qu’elle est sévèrement prohibée ? — Comment l’ignorerais-je ? Ce que j’ai fait, je l’ai fait sciemment. — Ayant contrevenu sciemment aux ordres du roi, n’es-tu pas digne de mort ? — Je savais bien que l’on me ferait mourir. — Maintenant que le roi commande de vous mettre tous à mort, ne te raviseras-tu pas ? — Celui qui, après avoir servi son Roi dans la prospérité, lui désobéirait dans l’adversité, serait un lâche ; celui qui professe la vérité seulement quand tout lui sourit, et qui l’abandonne dans les jours difficiles est plus lâche encore. Que le mandarin agisse selon la loi, moi j’agirai selon mes convictions. — Ce coquin-là a la parole mauvaise, reprit le juge. C’est sans doute un des chefs de la secte. Eh bien, puisque tu désires être traité selon la loi, tu seras satisfait. » Puis il ordonna de me mettre à la question la plus sévère. On me lia donc les bras croisés derrière le dos, puis on fit passer entre eux et le dos un bâton qu’un valet devait faire manœuvrer. De plus, avec une corde en crin, on me lia ensemble les deux jambes aux genoux et au-dessus des chevilles, et on inséra entre les jambes deux gros bâtons sur chacun desquels un homme devait peser de chaque côté. Lors donc qu’attirant d’une part le bâton fixé contre le dos, de l’autre on appuya avec effort sur ceux croisés entre les jambes, il me sembla que mon corps était suspendu en l’air, que ma poitrine allait éclater et tous mes os être brisés. Je perdis connaissance, et le mandarin voyant que je ne pouvais répondre aux questions que l’on m’adressait, ordonna de lâcher un peu les courroies. Peu à peu je repris l’usage de mes sens ; les rayons du soleil me paraissaient des torches brûlantes, mes bras et mes jambes me semblaient ne plus exister, mon corps était tout en feu.

« Deux valets me perçaient les côtés avec des bâtons aigus pour me faire parler. À grand’peine je pus répondre que j’avais été instruit par un vieux chrétien martyrisé depuis longtemps, et que je n’avais aucun disciple. « Vilain fourbe, s’écria le juge, attends-tu donc de nouveaux supplices pour déclarer la vérité ? — Si c’est oui, je dis oui ; si c’est non, je dis non. Je suis déjà à moitié mort, et si on continue tant soit peu, je vais mourir tout à