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brisé, il dit : « Pourrai-je bien par là payer la dix-millième partie des bienfaits de Dieu ? » puis, versant d’abondantes larmes de contrition et de reconnaissance, il se disposa tranquillement à mourir. On fit venir son fils arrêté comme lui, et lui mettant un couteau sur la gorge devant le père, on menaça celui-ci de trancher la tête de son enfant s’il n’apostasiait pas immédiatement. Pierre répondit : « Si mon fils a la tête coupée pour une pareille cause, ce sera une grande gloire pour lui et pour moi ; non, je n’apostasierai pas. » Le fils fut envoyé en exil.

Après de nouvelles tentatives aussi inutiles que les premières, le juge lui fît infliger, à diverses reprises, le supplice de l’écartement des os, puis l’envoya au gouverneur. Celui-ci, entouré de quatre-vingts valets, tous le bâton à la main, le soumit, ce jour-là et le lendemain, à de nouveaux interrogatoires. Au milieu des tortures, Pierre conserva la même fermeté, le même air tranquille, et invoquant toujours le Seigneur ; il disait : « Comment faire pour payer, au moins d’une épaisseur de cheveu, les bienfaits de la Passion de Jésus-Christ ? » Le mandarin, désespérant de le faire fléchir, le renvoya à la prison avec les autres confesseurs.

Pierre Ni Seng-hoa, dont la famille et les antécédents sont déjà connus, avait continué, malgré ses premières faiblesses, a vivre dans la pratique exacte de la Religion. Quand s’éleva la persécution de 1827, il eût bien voulu prendre la fuite, mais toutes les routes étaient gardées si soigneusement, qu’il ne savait pas où se réfugier ; d’ailleurs, avec sa vieille mère, sa femme et ses jeunes enfants, il lui était à peu près impossible de se mettre en chemin. Il se décida donc à attendre les ordres de Dieu et se contenta de faire évader son frère cadet à travers les montagnes. Les satellites ne tardèrent pas à se présenter, et le conduisirent devant le juge criminel, à Tsien-tsiou. C’était pour la troisième fois qu’il tombait entre les mains des persécuteurs. Après les interrogatoires ordinaires, il eut à supporter de nouveaux et plus terribles supplices, par suite de la dénonciation de quelques chrétiens qui déclarèrent avoir été instruits par lui, et avoir reçu des livres copiés de sa main. Il ne paraît pas qu’il ait apostasié, mais il avoua depuis qu’il avait eu la faiblesse, au milieu des supplices, de promettre de donner quelques livres, et de dénoncer un chrétien. Malgré cette tache dont on ne peut le laver, il se montra inébranlable dans tout le cours du procès, soit en présence du juge criminel, soit par-devant le gouverneur, et mérita d’entendre de la bouche de ce dernier ces paroles : « Cet