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tani, au district de T’sieng-iang, laquelle avait émigré à T’sieng-na-tong, district de Po-rieng. Frère aîné de Jacques Kirn martyr en 1816, il avait été instruit de la religion dès l’enfance, mais ne la pratiquait guère, et ce ne fut qu’après la mort de ses parents, que par une grâce spéciale de Dieu, il devint plus exact à tous ses devoirs religieux. Voici comment. S’étant établi au district de Kong-tsiou, où il travaillait dans une fabrique de poterie, il avait de très-fréquents démêlés avec sa femme. Un jour qu’ils s’étaient mis en une furieuse colère l’un contre l’autre, Pierre alla dormir dans la chambre intérieure, tandis que sa femme resta à la cuisine pour se livrer au repos. Pierre était dans son premier sommeil, lorsque, croyant entendre la voix de Dieu qui l’appelait, il se leva en sursaut, et vit un tigre emportant sa femme dans la gueule. Aussitôt il poursuivit l’animal, en poussant de grands cris, et parvint à lui arracher sa victime ; elle avait à la jambe une large blessure. Le lendemain il lui dit : « Cet accident est arrivé à cause de nos discordes, mais puisque Dieu a permis que tu aies la vie sauve, il faut d’abord l’en remercier, puis, profiter de notre mieux de cette leçon sévère, nous corriger, pratiquer le bien, et jusqu’à la mort vivre en bonne intelligence. » Ils gardèrent leur résolution, et dès ce moment vécurent tous deux dans la plus grande concorde.

Chaque dimanche, Pierre exhortait et instruisait non-seulement sa famille, mais tous les gens du village. À la fête de Noël, il ne manquait pas d’aller sur quelqu’une des montagnes voisines, et prenant avec lui l’Évangile et quelques autres livres, il passait la nuit dans les exercices de piété. Un jour qu’il était en oraison sur une de ces montagnes, un gros tigre vint se placer vis-à-vis de lui et se mit à pousser des rugissements. Pierre, sans trop s’effrayer, resta où il était, fit toutes ses prières à l’ordinaire, puis le jour venant à paraître, descendit tranquillement à sa maison, pendant que le tigre regagnait son repaire. Durant le carême, Pierre était plus assidu que jamais à la prière et à la méditation ; il ne faisait alors qu’un repas, ne prenait qu’une demi-écuelle de riz, qu’il mangeait avec de l’eau froide, sans autre assaisonnement qu’un peu de sel ; sa vigueur corporelle n’était en rien altérée par cette mortification extraordinaire. Il avait dans le cœur un vrai désir du martyre, et, après l’exécution de son frère cadet en 1816, ayant rapporté le billot sur lequel on lui avait tranché la tête, il se le plaçait souvent sous le menton, pendant la nuit, pour penser plus efficacement à la mort.

Pierre avait émigré au district de Ko-san. Quand il apprit,