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des bêtes de somme à la ville d’Ei-tsiou, sur la frontière de Corée, pour porter son bagage, il devait arriver à Séoul en un nombre de jours déterminé. Le hasard, ou plutôt la Providence, voulut qu’un de ces animaux fût blessé à la jambe, ce qui retarda d’un jour sa marche et son arrivée. Bien lui en fut, car, en dehors des portes, il rencontra des chrétiens postés pour l’avertir que Pierre Tsio et toute sa famille avaient été arrêtés la veille par les satellites. S’il fût venu au jour marqué, il eût été infailliblement la proie des persécuteurs ; ses dépêches et tous ses effets eussent été saisis avec lui, et, il eût, selon toute probabilité, partagé le sort de ces confesseurs dont nous devons maintenant parler.

Pierre Tsio Mieng-siou, plus connu sous son nom légal de Siouk-i, naquit au district de Iang-keun. Il était de la noble famille des Tsio, et proche parent du célèbre Justin Tsio, que Paul Tieng visita dans son exil. Jeune encore quand éclata la grande persécution de 1801, Pierre se retira avec ses parents dans la famille de sa mère qui habitait la province de Kang-ouen, et y vécut plusieurs années. En grandissant, il fit paraître des talents remarquables, un caractère bon et complaisant, et une gravité au-dessus de son âge. Mais le manque d’instruction suivie et de communication avec les autres chrétiens, les craintes continuelles qui ne cessaient d’assaillir les néophytes et de paralyser leur bonne volonté, avaient affaibli sa foi, et lui faisaient négliger ses pratiques habituelles. Heureusement, son mariage ayant été conclu avec Thérèse Kouen, les exhortations de cette fervente épouse le réveillèrent, et firent de lui un excellent chrétien.

Thérèse Kouen était la fille d’un des premiers et des plus zélés propagateurs de la religion en Corée, François-Xavier Kouen Il-sin-i. Née au district de Iang-keun, elle reçut dès l’enfance le bienfait de l’instruction religieuse. À l’âge de sept ans, elle perdit sa mère et, deux ans plus tard, vit périr son père à la persécution de 1791. Les germes de vertu, déposés dans son cœur, étaient déjà si développés, qu’elle sut dès-lors modérer la violence des impressions de la nature, en supportant pour Dieu cette double perte. Thérèse était la plus âgée de quatre enfants que la mort de Xavier laissait orphelins. Ils vécurent ensemble, se soutenant mutuellement ; et, la douceur, la complaisance, la charité de Thérèse contribuèrent beaucoup à conserver entre eux une paix sans nuage. Avec l’âge, ses belles qualités du cœur et de l’esprit, jointes à une rare beauté, la firent remarquer de tous ; mais, elle-même, méprisant ces avantages temporels, pensait dès lors, dans la ferveur de son amour