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Dans une seconde lettre, André dit à son frère :

« Sans autre préambule, je vous écris deux mots à la hâte. Depuis bien longtemps, à cause de la distance, toute communication avec vous était interrompue ; je n’avais eu qu’indirectement de vos nouvelles, et pendant cette année de famine, mes inquiétudes devenaient de jour en jour plus graves. Contre tout espoir, je reçois enfin de votre écriture ; il me semble être avec vous tête-à-tête, est-ce un songe ? est-ce une réalité ? Les sentiments de joie et de tristesse se pressent à la fois dans mon cœur ; j’ai la poitrine oppressée, des larmes coulent de mes yeux. Quand je perdis mon père, je ne pus l’assister à ses derniers moments ; j’en conservais un profond regret et je me disais : pourrais-je du moins assister à l’anniversaire de sa mort ! Ce désir ne peut maintenant se réaliser, j’en suis d’autant plus affligé. D’un autre côté, je suis heureux d’apprendre que pendant cette affreuse année, vous vous portez comme à l’ordinaire, et que toute la famille est en paix. La nouvelle de la mort de ma belle-sœur, au commencement du printemps, est bien fâcheuse il est vrai ; mais nul ne peut éviter de mourir. Le point principal, le seul important, est de faire une bonne mort ; car, dans ce monde, pourquoi l’homme est-il né ? Sa grande affaire, c’est de servir Dieu, sauver son âme et obtenir le royaume du ciel. Si l’on ne remplit pas ces grands devoirs et qu’on perde le temps inutilement, à quoi bon la vie ?

« Après être venu au monde sans y penser, si l’homme s’en retourne de même, mieux vaudrait pour lui n’être pas né, et il se trouve dans une condition pire que celle de la brute même ; car quand l’animal meurt, il retourne dans le néant. Pour l’homme, il n’en est pas ainsi, s’il ne sauve pas son âme, elle tombe dans la mort éternelle. La mort ! ce mot est effrayant ! mais si le corps, qui doit nécessairement mourir, s’effraie de la mort, combien l’âme, qui est faite pour vivre toujours, ne doit-elle pas la redouter ? Que l’on entre une fois en enfer, jamais on n’en peut sortir ; on y vit sans vivre véritablement, on y meurt sans pouvoir mourir ; y aurait-on passé des milliers d’années, c’est toujours comme le commencement. Hélas ! hélas ! ne pouvoir jamais entrevoir la clarté du ciel et du jour ! toujours être plongé dans un gouffre ténébreux ! quand on y pense cela fait frémir. Mais aussi quand on pense aux souffrances de l’enfer, les peines et les souffrances de ce monde ne sont plus qu’une ombre. On ne regarde plus comme pénibles les maladies et les infortunes d’ici-bas. Bien plus, si l’on sait en profiter, elles servent au salut. Le