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quelque nourriture plus solide et plus agréable au goût. Toujours égal à lui-même, toujours rempli d’une sainte joie au milieu des peines de la vie, il avait pour principale occupation, pendant le jour, de transcrire des livres de religion, afin d’en répandre partout des copies, et le soir, il se livrait à l’instruction des chrétiens avec un si grand zèle que souvent il prolongeait ses entretiens au delà du milieu de la nuit. Jaloux aussi de répandre la foi parmi les infidèles, il en instruisit et convertit un grand nombre, autant par l’efficacité de ses prières et de ses exemples que par la force de ses paroles.

Tel était André, quand il fut arrêté par les satellites d’An-tong, le 23 de la quatrième lune, et conduit devant le mandarin de cette ville. Celui-ci s’efforça d’abord d’obtenir de lui une parole d’apostasie ; mais, n’y ayant pas réussi, il le fit mettre en prison, puis, deux jours après, sur l’ordre du gouverneur, lui fit administrer la bastonnade sur les jambes, et l’expédia à Tai-kou. André arrivait à la porte de ce tribunal, quand il rencontra une chrétienne qui en sortait, et s’en allait seule et libre. Étonné à cette vue, il lui demanda de quoi il s’agissait ; elle lui répondit qu’elle venait d’apostasier pour éviter la mort. C’était Agathe-Madeleine Kim que nous avons vue si ferme dans les supplices au tribunal de Kieng-tsiou, et qui, arrivée à Tai-kou, vaincue enfin par la violence des tourments, avait eu la faiblesse de renier sa foi. André lui dit en soupirant : « Vous perdez là une belle occasion, et qu’attendez-vous donc pour ne vouloir pas mourir maintenant ? Vous vous en allez, mais combien d’années avez-vous donc à vivre ? » — Elle répondit : « Je suis libre, il est vrai, mais comment savoir si je ne mourrai pas aujourd’hui ou demain ? — S’il en est ainsi, reprit André, ne vaut-il pas mille fois mieux faire maintenant une bonne mort ? » Puis il continua à l’exhorter par des paroles énergiques, si bien que touchée de la grâce, elle ouvrit les yeux, et rentra immédiatement avec lui. En vain les satellites l’insultent, la frappent, la repoussent, et font tous leurs efforts pour l’empêcher de pénétrer jusqu’au mandarin. Agathe saisissant un bon moment, se glisse, arrive devant lui et s’assied. Celui-ci la reconnaît et lui dit : « Je t’avais relâchée, pourquoi reviens-tu donc encore ? » Elle répond : « Tout à l’heure, trop faible pour supporter les supplices, j’ai renié mon Dieu, mais en cela j’ai commis un crime énorme, je m’en repens et je reviens devant vous. Faites-moi mourir si vous voulez, mais je suis maintenant plus chrétienne que jamais. » Le mandarin la traita de folle et la fit chasser, mais elle parvint à revenir près de lui, et rétracta de