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On assure également qu’un chrétien, nommé Pak, fut, à cette époque, arrêté avec sa femme dans ce même district de Tsin-po, que tous deux confessèrent résolument la foi, sans se laisser ébranler par les supplices, et de tribunal en tribunal arrivèrent jusqu’à celui de Tai-kou, où ils moururent en prison. Mais nous ne savons rien de leur vie, ni des circonstances de leur mort.

Faisons connaître maintenant les principaux confesseurs qui d’An-tong furent envoyés à Tai-kou rejoindre leurs frères de Kieng-tsiou, et eurent plus tard l’honneur de partager leur triomphe. Ce sont : Anne Ni, François Kim, Jacques Kim et André Kim.

Anne Ni, était du village de Nop-heun-moi, au district de Tek-san. Elle descendait d’une famille noble, et nous aurons à parler plus tard de son père Ni-Sieng-sam-i, mort en 1827, dans la prison de Tsien-tsiou. Douée des plus belles qualités du corps et de l’esprit, elle pratiquait la religion avec une ferveur peu commune, et avait résolu de garder la virginité. Mais bientôt le fait fut remarqué des païens ; ils se plaignirent, et sa famille ne pouvant plus tenir contre les mille vexations qu’on suscitait à son sujet, elle se résolut à fuir et à se retirer dans une maison éloignée, où vivaient quelques vierges réunies en une espèce de petite communauté. Un batelier chrétien, du nom de Pak, se chargea de l’y conduire. Mais quand elle fut en son pouvoir, il lui fit violence, et, comme il n’était pas marié, l’épousa de force. Malgré sa désolation, Anne se résigna. Elle eut de ce mariage un enfant qu’elle nomma Tsiong-ak-i, et peu d’années après, étant devenue veuve, elle continua à remplir fidèlement tous ses devoirs. Arrêtée par les satellites de Tsin-po, en 1815, elle fut mise à la question dans cette ville, puis, grâce à sa constance, envoyée au tribunal supérieur de Tai-kou. Là, après de nouvelles tortures courageusement supportées, elle fut condamnée à mort.

On s’étonnera peut-être qu’Anne ait ainsi consenti à vivre avec un pauvre batelier. Mais outre que nous ne connaissons pas tous les détails de cet enlèvement, nous ferons remarquer qu’il y a dans ce pays un proverbe odieux, fondé sur les mœurs, et passé dans les usages nationaux, portant que toute femme qui n’est pas sous puissance de mari ou de parents appartient au premier occupant. Or, Anne ayant quitté la maison paternelle, se trouvait dans ce cas ; le batelier l’avait réduite en sa possession, et un procès n’eût abouti à rien. Il eût fallu, pour échapper à cet homme, subir force mauvais traitements, s’exposer peut-être à la mort ; et puis, sortie de là, où aller ? En chemin elle fût devenue la