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CHAPITRE II.

Persécution de 1815. — Les martyrs de Tai-kou et de Ouen-tsiou.


Les disettes sont assez fréquentes en Corée, et comme ce pays, obstiné dans ses vieilles traditions d’isolement absolu, n’a presque aucune relation commerciale avec les autres peuples, et ne peut, par conséquent, recevoir aucun secours du dehors, elles y sont très-meurtrières, surtout parmi les païens. Nous disons : surtout parmi les païens, car soit par la protection spéciale de Dieu, soit à cause de la charité plus grande qui règne entre les chrétiens, c’est un fait avéré que, toute proportion gardée, ces derniers meurent de faim en beaucoup moins grand nombre que leurs compatriotes idolâtres. Or, la récolte de 1814 ayant manqué à peu près complètement, une famine épouvantable, telle que de mémoire d’homme on n’en avait jamais vu, désola toutes les provinces du royaume. Le peu de grain que l’on avait recueilli fut consommé pendant l’hiver, et, au printemps, le pays entier présenta un spectacle affreux. Beaucoup périssaient chez eux dans les tortures de la faim, et grand nombre aussi tombaient et expiraient sur les routes où le besoin les avait fait s’aventurer.

Au milieu de tant de maux, un misérable traître nommé Tsien Tsi-sou-i, se mit dans l’esprit de vivre aux dépens des chrétiens. S’en allant de village en village, dans la province de Kieng-siang, il mendiait de l’argent, des habits et des vivres. Les fidèles lui donnèrent aussi longtemps qu’ils le purent, et probablement beaucoup, eu égard à leur misère. Mais bientôt toute ressource ayant été épuisée, les aumônes diminuèrent, et peu satisfait de ce qu’il recevait, Tsien Tsi-sou-i conçut le dessein de dénoncer les chrétiens, tant par vengeance, que pour pouvoir les piller impunément, et s’approprier sans obstacle leur petit avoir. Il savait très-bien que la famine donne plus de force à tous les mauvais instincts, et se sentait sûr à l’avance de trouver de l’appui chez les satellites dont la cupidité ne manquerait pas d’être excitée par l’appât d’un pillage considérable et impuni. Il alla donc faire sa dénonciation, qui fut reçue avec beaucoup de joie par le mandarin et ses gens, et comme tous connaissent l’usage des chrétiens de revenir chez eux pour célébrer les grandes fêtes, on décida