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Ni emporta à son retour, un grand nombre de chapelets, médailles, images et autres objets de religion, que l’on dut vendre à très-haut prix, pour couvrir les frais du voyage, et payer les dettes contractées à cet effet. Il fut même impossible de faire présent de quelques-uns de ces objets à ceux qui avaient d’avance contribué aux dépenses de l’expédition, et l’homme étant toujours homme, plusieurs eurent la faiblesse de se trouver offensés de ne pas recevoir cette petite récompense qu’ils avaient bien méritée, et se laissèrent aller à de fâcheux murmures et à des querelles regrettables.

L’évêque de Péking envoya en Europe la lettre adressée au souverain Pontife par les Coréens, et le pape la reçut dans sa prison de Fontainebleau. Qui nous dira les sentiments douloureux qui déchirèrent son cœur en lisant ce touchant appel de ses enfants les plus lointains et les plus abandonnés, et en se voyant dans l’impossibilité de leur venir en aide ? Le domaine de Saint-Pierre venait d’être confisqué ; le clergé de France commençait à peine à se recruter, et les nombreux vides faits par les échafauds, les pontons, et l’exil, étaient loin d’être comblés ; presque partout, les ordres religieux avaient été anéantis ; l’œuvre rédemptrice de la Propagation de la Foi n’existait pas encore ; à peine si de loin en loin surgissait quelque vocation de missionnaire ; en un mot, dans le monde entier, l’Église subissait le terrible contre-coup de la Révolution, et semblait menacée même dans son existence. Que pouvait faire le Vicaire de Jésus-Christ, que de prier, d’en appeler à Dieu, et, du fond de sa prison, de verser des gémissements dans le cœur de Jésus crucifié et délaissé. Il est écrit que la prière de celui qui s’humilie, pénètre le ciel ; bien plus encore la prière de celui qui est écrasé par le malheur, qui souffre persécution pour la justice. Aussi Dieu exauça-t-il la prière de son Pontife. Il multiplia ses grâces aux néophytes de la Corée, pour que leur Église, formée jadis et agrandie sans le secours des prêtres, pût se reconstituer et se développer seule, sans appui extérieur, par l’influence directe du Saint-Esprit. Il fit plus, et pour rendre manifeste à tous que la propagation de l’Évangile dans ce pays est son œuvre, et que cette œuvre est indestructible, il permit, comme nous le verrons bientôt, que de nouveaux orages vinssent l’affermir au lieu de l’ébranler.


Les deux ou trois années qui suivirent l’envoi des lettres à l’évêque de Péking et au souverain Pontife, furent comparativement assez tranquilles. Il n’y eut pas de persécution générale.