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sans pouvoir dire comment. L’hiver se passa, et les neiges une fois fondues, il devint possible de circuler et de franchir la montagne. Apprenant qu’un riche bachelier nommé T’soi, vivait à environ soixante-dix lys de nous, je me rendis chez lui, y restai deux jours, et lui ayant fait le tableau de l’horrible misère où se trouvaient nos familles, je pus, par son entremise, obtenir une vingtaine d’hectolitres de riz non épluché. Pour diminuer le prix de transport, j’allai prier les habitants du pays qui s’y prêtèrent avec beaucoup de complaisance, de m’éplucher ce riz ; puis j’en vendis une partie et fis transporter le reste en deux ou trois jours. Tout ce grain était payable à une époque fixée. Ayant ainsi terminé cette affaire, j’essayai de nouveau de consoler tout notre monde, et alors seulement je fus écouté ; la joie et la charité fraternelle reparurent. Nos différents emprunts s’élevaient déjà à plus de cent nhiangs, mais je n’avais pas le courage d’y faire allusion ; car, quand je parlais d’être sur nos gardes et d’épargner les vivres, tous les visages prenaient un air sombre et désolé. »

Tel était le sort de presque tous les chrétiens qui avaient cherché un refuge dans les montagnes et les forêts, surtout au nord-est du royaume. Mêmes fatigues, mêmes misères, et aussi, hâtons-nous de le dire, même protection de Dieu. Le sort des exilés était encore plus déplorable, car ils étaient privés de leur liberté, placés sous la surveillance d’une police ombrageuse, et quelquefois même séparés violemment de ceux de leurs proches qui les avaient suivis pour leur adoucir un peu les souffrances de l’exil. Et cependant, dans les desseins de la Providence, ces exilés, ces réfugiés étaient, sans le savoir peut-être, des apôtres. Leurs maisons sont devenues des villages, leurs familles sont devenues des chrétientés nombreuses et florissantes, et ont fait connaître l’Évangile dans les coins les plus reculés de la Corée.


Nous n’avons presque point de détails sur les années qui suivirent la persécution. Le gouvernement laissait les néophytes à peu près tranquilles, bien convaincu que c’en était fait de leur religion, et que la nouvelle secte, noyée dans le sang, s’éteindrait d’elle-même en peu de temps. On cite cependant quelques arrestations dans les provinces. En 2804, Tsio Siouk-i, l’un des parents de Justin Tsio, fut saisi dans le district de Nie-tsien. En 1805, d’autres chrétiens furent emprisonnés à Hai-mi. Ces derniers furent relâchés quelque temps après, on ne sait trop comment. Mais Tsio Siouk-i, conduit au tribunal de Iang-keun, fut condamné à mort. Dans les tourments, il avait eu d’abord la faiblesse