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les sentiments de mille saints. Qu’il fut grand notre feu roi, pendant les vingt-quatre années de son règne éclatant ! N’ayant en pensée que la droite doctrine, il protégea la morale et s’attacha à la religion des lettrés ; il mit au grand jour les écrits de Tsiou-tsa : il resta fidèle à l’Empereur, et repoussa les barbares ; il mit en pratique les principes si grands du livre Printemps et Automne[1]. Pour faire fleurir dans tout le royaume la piété filiale, il la pratiqua lui-même, et répandant au dehors tout ce dont son cœur était richement imbu, les quatre mers se tournèrent au bien. Partout sur ses pas surgissaient la paix et l’harmonie ; partout où il apparaissait, d’admirables effets se faisaient sentir. Qui aurait pu prévoir que du fond de l’Occident un air corrompu et empoisonné, secrètement introduit dans ce royaume civilisé, aurait pu venir souiller la pureté de son territoire ?

« Ce qu’adorent les sectateurs de cette religion perverse, ce sont des serpents génies et des bœufs génies, et ils avaient infecté presque la moitié du monde. Ils parlent d’un enfer et d’un paradis. Ceux qu’ils appellent pères spirituels et évêques, ils les révèrent plus même qu’on ne faisait autrefois les Si-tong[2]. Ce qu’ils nomment les dix commandements et les sept vertus capitales sont des mensonges analogues à ceux de ces livres qui prétendent enseigner l’art des prophéties et des sorcelleries. L’amour de la vie et l’horreur de la mort sont des sentiments naturels à l’homme, et, toutefois, ils regardent le sabre et la scie comme une couche délicieuse. Rendre grâces aux parents pour la vie que l’on a reçue d’eux, est une loi tracée par le ciel lui-même ; malgré cela ils ne voient dans l’offrande des sacrifices qu’une chose vaine et futile. Les esprits de leurs ancêtres pourraient-ils ne pas mourir d’inanition[3] ?

« Enfin, le désordre de leurs mœurs est quelque chose de plus honteux encore. Des familles déchues et quelques nobles de rebut, conservant rancune contre le gouvernement, se sont liés avec des bandes de gens perdus, et grâce à un certain appareil extérieur, ont semé leur venin parmi la foule ; ils ont appelé à

  1. L’un des livres de Confucius.
  2. Avant l’invention des tablettes, pour offrir les sacrifices aux parents, on faisait venir un enfant, petit-fils du défunt, et on lui offrait le sacrifice. Cet enfant, en qui était supposé venir l’esprit des ancêtres, prenait le nom de Si-tons. Le texte signifie par conséquent : Ils les révèrent plus que les tablettes des ancêtres.
  3. Le double but de ces sacrifices aux parents est de leur payer le bienfait de l’existence que l’on a reçue d’eux, et de nourrir leurs âmes de la fumée des offrandes.