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s’acquittaient de cette commission à chaque ambassade qui allait à Péking. Ils en tiraient des plans de corruption et des moyens relatifs à leurs fins.

« Celui qu’ils nomment Tcheou-ouen-mo, ayant pris le costume d’un homme du commun, eut un rendez-vous sur les frontières, et après avoir marché jour et nuit, il entra furtivement dans ce royaume au printemps de l’année y-mao (1795). Il y resta plusieurs années caché, en qualité de maître et de chef de parti. Tcheou-ouen-mo est de Sou-tchéou, ville du premier ordre dans la province de Kiang-nan. On saisit une de ses lettres écrite sur la soie, que Houang-sin et Ouang-tsien-sy étaient convenus de porter secrètement aux Européens en la cousant dans leurs habits ; mais elle fut prise avant leur départ. Houang-sin, qui en était chargé, se disait lui-même To-mo[1]. Cette lettre contenait deux projets atroces proposés aux Européens pour renverser le petit royaume. Le premier consistait à écrire à tous les royaumes de la grande Europe, pour leur proposer de venir par mer, avec quelques centaines de vaisseaux, portant cinquante à soixante mille hommes, de gros canons et d’autres armes terribles, pour conquérir et détruire le petit royaume.

« Le second projet était d’introduire sur les frontières un homme de leur religion, qui s’y établirait sous prétexte de commerce, ferait passer les lettres, et serait une voie sûre pour communiquer les plans et les résultats des délibérations du parti. Les dépositions de Kin-you-chan, Houang-sin, Ouang-tsien-sy et d’autres, s’accordent sur ces deux articles. De plus, selon les dépositions de Lieou-hung-leen, Yn-tchi-hien (Augustin Niou Hang Kem-i, François Ioun Tsi-hen-i), et autres membres de cette secte perverse, il existait un complot pour inviter une flotte européenne. C’était un parti pris irrévocablement ; Ly-kia-houen et autres étaient chargés des frais nécessaires pour amener la révolte en secret. C’est aussi ce que dépose Houang-sse-yung. Hélas ! les royaumes d’Europe n’ont avec le petit royaume aucun rapport de haine ou de bienveillance. Si l’on consulte la raison et le cours ordinaire des choses, est-il possible qu’ils aient le cœur de venir à travers les mers, de dix mille lieues de distance, pour renverser le petit royaume ?

« Ainsi cette détermination vient sans doute uniquement de

  1. To-mo était son nom de baptême Thomas, prononcé à la chinoise. Par hasard ces deux caractères : To, mo, signifient : beaucoup de vues, de nombreux projets.