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faisait traîner les procès en longueur et, en opposition formelle aux lois du royaume, s’efforçait de tout troubler et de faire prendre le change à la multitude. Il paraît bien que ces brigands corrupteurs, ayant étouffé tout sentiment naturel, voulaient s’élever ouvertement contre l’État. Déjà depuis longtemps se préparait, en secret, le ferment terrible qui devait produire l’explosion ; se contentant à l’extérieur de faire parade de leur doctrine perverse, ils recelaient intérieurement leurs désastreux desseins, se parant de belles règles de conduite, qui n’étaient que des moyens d’exciter le trouble ; or Ly-yen était leur merveille et leur trésor.

« Ce fut bien longtemps après que cette secte obtint et reçut d’un commun accord Tcheou-ouen-mo (le P. Jacques Tsiou), qu’ils qualifiaient du titre de père spirituel. La maison de Kiang-ouan-chou lui servait comme de caverne pour se cacher. Interrogé sur son nom et sa demeure, il ne répondait que par des équivoques et des tergiversations, s’enveloppant de mille formes différentes pour cacher ses crimes. Quoiqu’il fût frappé à plusieurs reprises, rien ne put vaincre son obstination à tergiverser. Or, ce Tcheou-ouen-mo était à la tête de tous leurs plans, le centre de leur correspondance ; ils se ralliaient tous autour de lui et auraient voulu mourir tous ensemble pour lui seul. On tremble encore à la pensée du danger qu’a couru le royaume, placé ainsi à deux doigts de sa perte, et n’ayant plus qu’un souffle de vie.

« Il n’y avait pas de temps à perdre pour remédier au mal et en extirper la racine. Ly-yen, Hung-yo-ien, Yn-sing-you ont eu la permission de s’étrangler eux-mêmes[1] ; Tcheou-ouen-mo a eu la tête tranchée, avec Ting-io-tchung, Li-tchung-hieun, Hung-yo-ming, etc… Ly-kia-houen est mort sous les coups de bâton, Ting-io-tsuen, Ting-io-yunget autres, ont été punis à raison de la part qu’ils avaient prise aux crimes.

« Quant à la trame des complots et des intrigues ourdies par ces brigands, un des leurs, appelé Houang-sse-yung (Alexandre Hoang Sa-ieng-i), en tenait le fil. Prévoyant l’orage, il s’était dérobé par la fuite à la poursuite des mandarins. Ce n’est qu’à la neuvième lune qu’il fut pris et interrogé pour la première fois. Or, selon ses dépositions, après que Ly-tchung-hieun eut rapporté la doctrine d’Europe, ces brigands continuèrent à correspondre avec les Européens de Péking. Kin-you-chan, Houang-sin, Ouang-tsien-sy (Thomas Hoang Sim-i, Ok Tsien-hei, etc…),

  1. C’est l’usage de ce pays pour les criminels de très-haut rang. Communément le bourreau suit la corde qu’on leur envoie, et assiste à l’exécution.