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et le langage[1]. Les cheveux peuvent croître assez facilement, mais le langage ne se change pas aussi vite. Si le prêtre pouvait bien parler, la plus grande difficulté disparaîtrait. Dans notre humble pensée, il serait bon d’envoyer à l’avance un Coréen à Péking, pour enseigner la langue coréenne aux prêtres que vous auriez désignés. Si vous le permettiez, nous conviendrions secrètement d’un signe et nous nous disposerions pour le passage, soit de l’hiver, soit du printemps, selon qu’il vous serait plus commode. Il serait aussi très-avantageux qu’un chrétien Chinois fervent et fidèle vînt s’établir secrètement à Pien-men. Il ouvrirait une auberge pour défrayer les voyageurs, et nos communications en deviendraient beaucoup plus faciles. »

Vient ensuite l’exposition détaillée de divers plans qu’Alexandre, dans sa cachette solitaire, avait imaginés pour faire obtenir la liberté de la religion à ses frères persécutés. Le premier eût été de faire écrire par le Pape à l’Empereur de Chine, pour lui donner ordre de laisser les chrétiens en paix, et de recevoir les missionnaires. La foi naïve du néophyte ne pouvait s’imaginer qu’un potentat, quel qu’il fût, même paien, osât refuser d’écouter la voix du souverain Pontife, vicaire de Dieu sur la terre. La liberté de la religion une fois accordée en Chine, elle devait tout naturellement, par contre-coup, l’être aussi en Corée ; et si le gouvernement coréen faisait des difficultés, il serait facile à l’Empereur chinois de l’y contraindre par la force des armes. Enfin, dans le cas où ce plan eût rencontré des obstacles insurmontables, Alexandre proposait à l’évêque de Péking de faire appel aux nations chrétiennes de l’Europe, de les supplier d’envoyer une armée de soixante ou soixante-dix mille hommes pour conquérir la Corée, et s’il était impossible de réunir tant de troupes, d’essayer au moins avec sept ou huit mille, chiffre qui, dans son opinion, eût été suffisant à la rigueur. La lettre se termine ainsi :

« Pour nous, les jours sont comme des années. Nous voudrions faire quelque chose, mais cela nous est actuellement impossible ; nous ne pouvons qu’espérer. Nous désirons ardemment que vous ayez pitié de nous, et veniez à notre aide sans retard. Après la violente persécution de cette année, peu de chrétiens ont échappé,

  1. On sait que les Chinois se rasent la tête, excepté le sommet, et portent la queue. Mais les Coréens n’ont jamais voulu admettre cette réforme, introduite par les empereurs tartares Mandchoux. Ils conservent tous leurs cheveux et les nouent sur la tête, comme le pratiquaient, il y a quelques années, les insurgés de Chine, pour se distinguer des impériaux.