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ardeur, ne voulut plus connaître d’autre science que celle du saint, répudia le siècle et ses plaisirs dangereux, et, comprenant qu’il devait communiquer aux autres la lumière que lui-même avait reçue, devint un catéchiste zélé.

Ses parents et amis païens l’accablèrent de reproches et de mauvais traitements, sans pouvoir ébranler sa constance. Animé qu’il était d’une ambition plus haute, la faveur et les promesses du roi ne lui faisaient plus aucune impression. Quand celui-ci apprit la conversion d’Alexandre, il en fut affligé, mais ne l’inquiéta nullement, tant il avait d’estime pour ses rares qualités ; peut-être même fut-il touché devoir dans un jeune homme ce mépris héroïque des grandeurs de la terre. Alexandre avait une âme digne de servir un plus grand maître. Admis à la réception des sacrements, il ne mit plus de bornes à sa ferveur, et travailla de tout son pouvoir à seconder le prêtre dans l’exercice de son ministère, et dans toutes sortes d’autres bonnes œuvres.

En 1798 et 1799, il vint demeurer à la capitale, dans le quartier nommé Ai-o-kai. Là, il s’occupait à enseigner les lettres à quelques jeunes gens chrétiens, et à transcrire des livres de piété. Il logea souvent chez lui le P. Tsiou, soit pour le cacher, soit pour faire recevoir les sacrements à d’autres fidèles. Dénoncé nommément dès les premiers jours de la persécution, il se rappela le conseil du Sauveur : « Lorsqu’on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre, » et prit ses mesures en conséquence. Pour ne pas être reconnu, il coupa tout d’abord sa longue et belle barbe, ornement viril assez rare en Corée, et dont naturellement les possesseurs sont très-jaloux ; il revêtit des habits de deuil, dont la forme est parfaitement propre à déguiser les personnes, puis, comprenant l’insuffisance de ces précautions, quitta la capitale, vers le 15 de la deuxième lune.

Il séjourna quelque temps dans le district de Niei-tsien, province de Kieng-sang, puis sur les limites de la province de Kang-ouen, et enfin finit par se fixer dans une fabrique de poteries, au village de Pai-ron, district de Tsiei-tsien. Tous les ouvriers étaient chrétiens. On prépara pour le recevoir une espèce de chambre souterraine, dont les avenues étaient couvertes par tous les grands vases de terre que l’on fabriquait dans l’établissement. Les chrétiens du village eux-mêmes ignorèrent longtemps sa présence ; le maître de maison était seul du secret, avec sa femme et la mère de Grégoire Han, qui venait souvent le voir. Alexandre avait près de lui deux hommes de confiance : Pierre Kim Han-pin-i et Thomas Hoang Sim-i, lesquels allaient sans cesse de