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Arriva enfin le jour du triomphe. Pendant le trajet de la prison au lieu du supplice, Mathieu prêchait au peuple avec beaucoup de ferveur ; Luthgarde de son côté ranimait et exhortait ses deux compagnes, sa belle-mère surtout, que le souvenir de ses trois petits enfants exilés plongeait dans le trouble et la désolation. Notre vierge héroïque sut lui rendre la confiance en Dieu, lui redonner du courage, détacher son cœur des affections terrestres, et tourner ses pensées vers le ciel dont les portes allaient s’ouvrir. Le bourreau voulut les dépouiller, suivant l’usage ; mais Luthgarde le repoussa par quelques paroles pleines de pudeur et de dignité, puis elle ôta elle-même son vêtement de dessus, ne permit pas qu’on lui liât les mains, et, la première, présenta avec calme sa tête à la hache. Les trois autres eurent aussi la tête tranchée. C’était le 28 de la douzième lune (31 janvier 1802). Luthgarde avait alors vingt ans ; Mathieu était âgé de quinze à dix-huit ans, il n’avait pas encore été marié ; la femme et la belle-sœur d’Augustin pouvaient avoir de trente-cinq à quarante ans. Les trois jeunes enfants, exilés séparément dans des îles éloignées, y moururent sans laisser d’autre postérité qu’une fille qui, dit-on, vivait encore il y a quelques années. La ruine de cette famille fut donc complète, et il n’y a pas à s’étonner si aujourd’hui il n’en reste pas un seul membre chrétien.