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l’on n’a pas d’exemple qu’une famille ou un individu ait changé de parti, surtout entre les Nam-in et les No-ron, qui ont toujours été les plus nombreux, les plus puissants et les plus acharnés. On n’a jamais non plus entendu parler de mariages entre les familles de camps opposés. Le noble qui par l’intrigue d’un ennemi perd sa dignité ou sa vie, laisse à ses descendants le soin de sa vengeance. Souvent il leur en remet un gage extérieur ; par exemple, il donnera à son fils un habit avec ordre de ne point le dépouiller avant de l’avoir vengé. Celui-ci le portera sans cesse et, s’il meurt avant d’avoir réussi, le transmettra son tour à ses enfants avec la même condition. Il n’est pas rare de voir des nobles vêtus de ces haillons qui, depuis deux ou trois générations, leur rappellent nuit et jour qu’une dette de sang leur reste à payer pour apaiser les âmes de leurs ancêtres.

En Corée, ne pas venger son père, c’est le renier ; c’est prouver qu’on est illégitime et qu’on n’a aucun droit de porter son nom ; c’est violer dans son point fondamental la religion du pays qui ne consiste guère que dans le culte des ancêtres. Si le père a été mis à mort légalement, il faut que son ennemi ou le fils de son ennemi ait le même sort ; si le père a été exilé, il faut que son ennemi soit exilé ; s’il a été assassiné, il faut que son ennemi soit assassiné, et, en pareil cas, l’impunité à peu près complète est assurée au coupable, car il a pour lui le sentiment religieux et national du pays.

Le moyen le plus ordinairement employé par les factions rivales, c’est de s’accuser de conjuration contre la vie du roi. On multiplie les pétitions, les faux témoignages ; on corrompt les ministres à force d’argent. Si, comme il arrive souvent, les premiers pétitionnaires sont incarcérés, battus, condamnés à d’énormes amendes ou exilés, on se cotise pour payer les frais, et l’on fait de nouvelles tentatives qui, grâce à la vénalité des hauts fonctionnaires et à la faiblesse du roi, finissent par réussir. Alors ceux du parti vainqueur font curée des places et des dignités ; ils usent et abusent du pouvoir pour s’enrichir eux-mêmes, ruiner et persécuter leurs ennemis, jusqu’à ce que ceux-ci trouvent l’occasion favorable de les supplanter à leur tour.

Les différents partis mentionnés plus haut se sont encore subdivisés en deux couleurs ou plutôt deux nuances. Voici à quelle occasion :

Le roi qui occupait le trône de Corée en 1720, n’avait pas de fils pour lui succéder. La division se mit parmi les grands du royaume ; les uns voulaient faire proclamer immédiatement Ieng--