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ment quelques lignes. Quoique je me trouve sur le point de mourir, ne vous en affligez pas trop, et, sans résister à l’ordre miséricordieux de Dieu, veuillez vous soumettre en paix et avec calme à ses desseins. Si j’obtiens la faveur de ne pas être rejetée de lui, remerciez-le de ce bienfait. En restant dans ce monde, je n’y serais jamais qu’une fille inconstante, une enfant inutile ; mais si, par une grâce signalée, le jour de porter des fruits paraissait, d’une part ma mère pourrait se dire avoir vraiment porté une fille dans son sein, et de l’autre, tout regret serait par le fait superflu.

« À la veille de vous quitter à jamais, et ne devant plus avoir l’occasion de remplir vis-à-vis de vous les devoirs de la piété filiale, comment pourrais-je bien comprimer tout sentiment naturel ? Mais je me dis que le temps, qui passe comme l’étincelle jaillie du caillou, n’est pas de longue durée ; je me dis que moi votre enfant, je vais de ce pas ouvrir à ma mère la porte du ciel et du bonheur éternel, et donner à l’avance pour elle le prix des éternelles joies ; et cette pensée de la mort prochaine, quoique naturellement amère et difficile à supporter, se convertit de suite en douceur et devient un plaisir tout suave. Vous n’ignorez pas tout cela, il est vrai, mais en vous rappelant les paroles de votre fille aux portes de la mort, vous vous aimerez pour vous conserver vous-même, et vous pratiquerez tout de bon la vertu. En dehors de ce souhait ardent de voir l’âme de tous mes parents jouir éternellement de la vue de notre Père commun, quel autre désir pourrais-je éprouver maintenant ?… Vous, mes sœurs, comment vous trouvez-vous ? Beaucoup de paroles d’affection ne serviraient de rien ; je ne vous adresse que deux mots : Ayez un amour fervent, rien ne touche autant le cœur de Dieu ; la réalisation de tous les désirs est du reste une chose qui ne dépend pas de nous, mais de lui. — Que les esclaves soient bien à leur devoir, et par là ils deviendront membres de la famille ; de petits et inutiles enfants qu’ils étaient, ils se rendront de vrais et précieux enfants, j’ose mille fois l’espérer.

« Ne vous affligez pas trop, ma mère, et comprimez toutes vos inquiétudes. Regardez ce monde comme un songe, et, reconnaissant l’éternité pour votre patrie, soyez toujours sur vos gardes. Puis quand, après avoir en tout suivi l’ordre de Dieu, vous sortirez de ce monde, moi, vile et faible enfant, la tête ceinte de la couronne du bonheur sans fin, le cœur inondé de toutes les joies célestes, je vous prendrai par la main et vous introduirai dans l’éternelle patrie. — J’entends dire que mon frère Charles, détenu