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tes les classes de la société, une chose inouïe de ne pas marier une jeune fille ; mais dans les familles d’un rang distingué, c’est presque un attentat, et il serait dangereux de braver, sur ce point, l’opinion publique. Le Sauveur lui-même vint au secours de sa servante bien-aimée, et lui prépara un époux selon son cœur. Le P. Tsiou qui avait, après mûr examen, approuvé le projet de Luthgarde, connaissait un jeune homme désireux, lui aussi, de garder le célibat pour se donnera Dieu tout entier. C’était Jean Niou, fils aîné d’Augustin. La famille de Jean, quoique noble et très-riche, était cependant d’une condition bien inférieure à celle de Luthgarde, et de plus, Jean habitait à T’son-am-i, près de Tsien-tsiou, province de Tsien-la, c’est-à-dire à une distance considérable de la capitale, dans une région où les grandes familles ne s’établissent guère. Toutefois le P. Tsiou vint à bout d’arranger les choses pour unir ces deux cœurs sous le voile du mariage, et leur permettre de vivre en frère et sœur, selon leurs mutuels désirs. La veuve, mère de Luthgarde, donna volontiers son consentement, et le mariage fut conclu.

Grande fut la colère des membres païens de la famille, quand ils apprirent ce qui s’était passé. Ils éclatèrent en murmures, en récriminations, et réunirent leurs efforts pour faire casser un contrat si inconvenant à leurs yeux. La mère de Luthgarde tint bon contre leurs clameurs. Elle donna pour prétextes les difficultés de sa position de veuve, l’avantage pour elle d’obtenir un gendre d’une grande fortune, etc. Peu à peu l’orage se calma, le mariage eut lieu en 1797, et l’année suivante, à la neuvième lune, la jeune personne se rendit dans la famille de son mari, où ils firent tous deux le vœu de virginité. Nous entendrons tout à l’heure Luthgarde nous donner elle-même de touchants détails sur ce point et sur quelques autres, dans les lettres écrites de sa prison. Après comme avant son mariage, Luthgarde, constamment appliquée à la pratique des vertus chrétiennes, se montra respectueuse et soumise envers ses nouveaux parents, modeste, charitable et exacte à tous ses devoirs. D’une douceur et d’une complaisance admirables, elle n’eut jamais la moindre mésintelligence avec aucun des membres de cette nombreuse famille, et, selon l’expression coréenne, elle parfumait de sa présence et de son bon exemple non-seulement sa maison, mais tout le voisinage. Son mari Jean avait, lui aussi, une piété franche et ouverte, une foi solide, une charité fervente. Assidu à ses devoirs, régulier dans sa vie, méprisant toutes les vanités du siècle, il était considéré, malgré sa jeunesse, comme un homme grave et mûr. Quelle