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envoyés à Péking, et les choses se compliquèrent étrangement. Koang-kem-i surtout semble avoir complètement perdu la tête.

Un fragment des actes de son procès nous apprend qu’il fit devant le tribunal les déclarations suivantes : « Pour pratiquer la religion, il faut absolument des prêtres ; sans eux, on ne peut recevoir les sept sacrements ; c’est pourquoi on a dû faire venir le P. Tsiou, et cacher sa présence en Corée avec toutes les précautions imaginables. De plus, pour administrer les sacrements de Baptême et de Confirmation, il faut des saintes huiles, et ces saintes huiles doivent être renouvelées chaque année ; on a dû, en conséquence, envoyer tous les ans quelqu’un les chercher à Péking. En 1797, Hoang Sim-i y alla, plus tard un des Kim de Ko-san… Mais ces voyages offrant tant de difficultés, la situation restait trop précaire. Pour remédier à tous ces inconvénients, on a formé le projet d’appeler sur les côtes de Corée des navires européens qui pussent traiter avec le gouvernement, et faire accorder la liberté de religion… » Koang-kem-i dénonça ensuite quelques-uns de ceux qui auraient fourni de l’argent pour subvenir aux frais d’exécution d’un pareil plan.

Parmi ces noms, on est étonné de trouver celui de Ni Seng-houn-i qui, lors de l’entrée du prêtre en Corée, ne pratiquait plus depuis longtemps, et celui de Ni Ka-hoan-i, qui n’a jamais eu de rapports avec les chrétiens. Nous inclinons à croire que Koang-kem-i, pour épargner les chrétiens vivants, a voulu rejeter sur ces hommes déjà exécutés tout l’odieux des faits qu’il racontait ou qu’il inventait, ou, ce qui est plus probable encore, qu’on lui a extorqué à plaisir des accusations sans fondement, comme cela a souvent lieu dans les procès de ce pays.

Plusieurs des principaux chrétiens exécutés le 26 de la deuxième lune se trouvaient aussi compris dans cette dénonciation. L’affaire prenant ainsi une tournure de plus en plus sérieuse, on se hâta de relâcher ou d’exiler les apostats, tandis qu’un certain nombre des accusés les plus influents ou les plus compromis furent envoyés à la capitale, pour y être jugés par le tribunal suprême. De ce nombre, nous ne connaissons que Augustin Niou, son frère Koang-kem-i, Ioun Tsi-hen-i, Kim Iou-san-i, Ou Tsip-i, Stanislas Han, Mathias T’soi et André T’sien-ai. Ces trois derniers toutefois n’étaient point accusés d’avoir pris part au complot pour faire venir les étrangers, mais uniquement de pratiquer la religion chrétienne ; aussi leur procès fut-il terminé beaucoup plus rapidement. Nous avons, plus haut, raconté leur martyre.