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lites de sa propre ville. « Il eût été très-imprudent de ma part, dit-il alors, d’attendre assis dans ma maison, car je suis faible, et j’aurais semblé me fier à mes propres forces. J’ai donc dû fuir et éviter le danger, mais, au fond, le martyre est mon plus grand désir. Aujourd’hui que je suis pris, uniquement par l’ordre de Dieu, j’en suis bien heureux. » Et en effet, cette joie intérieure et céleste se manifestait clairement sur son visage et dans sa démarche, au point que les satellites et autres témoins en étaient stupéfaits.

Le mandarin le fit mettre aussitôt à la question, lui reprocha de s’être enfui lâchement, et lui commanda de dénoncer ses complices et d’exhiber ses livres de religion. André répondit : « J’ai beaucoup de coreligionnaires, mais si je vous les faisais connaître, vous les traiteriez comme moi, je ne puis donc vous donner aucun renseignement. Quant à mes livres, ils sont trop précieux pour que je les remette entre vos mains.» Le mandarin en colère fit redoubler les tortures, et André perdit connaissance ; on le chargea néanmoins d’une lourde cangue et on le reconduisit en prison. Dans un second interrogatoire, le mandarin montra la même cruauté, André le même courage. « Toutes vos promesses, disait-il, aussi bien que toutes vos menaces, sont inutiles. Ne m’interrogez pas de nouveau, un sujet fidèle ne sert pas deux rois, une épouse fidèle ne se donne pas à deux maris. Vous, mandarin, voudriez-vous enfreindre les ordres du roi ? oseriez-vous bien le renier ? Moi, je ne veux point enfreindre les ordres de Dieu. Non, dix mille fois non, je ne puis renier mon grand Roi et mon Père. Vis-à-vis des rois et des parents, il y a bien des circonstances où les actes extérieurs ne sont pas en harmonie avec les sentiments du cœur ; mais notre Dieu voyant les plus secrètes pensées, les sentiments et les intentions, on ne peut devant lui pécher même intérieurement. Je vous ai parlé, faites ce que vous voudrez. »

En vain le mandarin le fit-il frapper du bâton et de la planche à voleurs, jusqu’à ce que les bourreaux tombassent épuisés de fatigue ; en vain recommença-t-il la même série de tortures à un troisième et à un quatrième interrogatoire. Dieu, qui est plus fort que la malice des hommes et de l’enfer, soutenait son serviteur. « Mais que trouves-tu donc de si bon à mourir, disait le juge stupéfait ; tu as une femme, des enfants et de la fortune ; tu n’as qu’un mot à dire et tu retourneras en jouir ; pourquoi t’obstiner à succomber dans les tourments ? — La vie et la mort sont loin de m’être indifférents, répondit le confesseur, mais je ne puis avoir la pensée de renier mon Dieu. Chaque homme est dans sa condition ; vous mandarin, payé par le roi, vous devez suivre ses