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avait émigré au district de T’siong-tsiou. Ayant entendu parler du christianisme, il se rendit à Iang-keun, près des frères Kouen, pour s’en instruire à fond, et, touché de la grâce, se mit de suite à le pratiquer. Lorsqu’il fut de retour chez lui, son précepteur païen employa toute son éloquence pour le faire changer d’avis, mais ce fut sans succès, et Pierre eut bon marché de tous ses sophismes. Pris d’abord en 1795, il se délivra par une parole d’apostasie, qu’il regretta sincèrement plus tard, et dont il fit une longue pénitence. Ses parents voulaient le marier, mais réfléchissant qu’une femme et des enfants lui seraient probablement un embarras dans la pratique de la religion, il s’y refusa obstinément, et pour éviter de continuelles obsessions, s’en alla habiter la capitale. Plein de zèle pour les bonnes œuvres, et n’ayant aucun embarras de famille, il pouvait facilement se livrer à l’instruction des autres. Aussi se donna-t-il tout entier à cette œuvre de charité, et sa parole produisit-elle de nombreux fruits de salut, parmi ses compatriotes chrétiens et païens.

Arrêté lors de la grande persécution, il eut, dès le moment même de son entrée en prison, l’occasion d’exercer son zèle, en exhortant au repentir Ko Koang-sieng-i, qui venait d’apostasier. Il réussit, comme nous l’avons vu, et contribua à lui faire gagner la palme du martyre. Mais bientôt, mis lui-même à l’épreuve des supplices, il laissa échapper une parole d’apostasie. Le juge fit cesser la torture, et on allait le mettre en liberté, lorsque, touché d’un soudain repentir, il s’écria qu’aussitôt relâché, il pratiquerait de nouveau sa religion tout comme auparavant. La même scène d’apostasie, suivie de rétractation immédiate, paraît s’être répétée plusieurs fois ; et nous ne nous en étonnons pas trop, car Pierre avait tous les défauts, en même temps que toutes les qualités, de son tempérament. D’un caractère prompt, ardent, plein de feu et de zèle, il était aussi mobile et inconstant, et avait laissé voir, en plusieurs circonstances, une étourderie fâcheuse. Dieu cependant, qui connaissait le fond de son cœur, ne l’abandonna pas, et, après avoir permis ces chutes réitérées, pour débarrasser entièrement son serviteur de tout orgueil et de toute confiance en lui-même, il lui donna la force nécessaire pour persister dans une ferme confession de foi, et conquérir sa sentence de mort. On l’envoya à Kong-tsiou pour y être décapité. On raconte qu’en se rendant au supplice, il dit plusieurs fois à la foule de curieux qui l’accompagnait : « Vous semblez prendre compassion de moi, mais c’est vous tous qui êtes vraiment dignes de pitié. » Pierre eut la tête tranchée le 26 ou 27 de la cinquième