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sa maladie à tout autre moment, dès que quelque personne du palais venait à entrer dans la maison, Bibiane voyait un de ses bras et une de ses jambes se raidir et devenir comme morts. Elle dut, en conséquence, subir cent fois l’acupuncture, et avaler un grand nombre de médecines. Elle se soumettait aux opérations et prenait les drogues avec tranquillité ; et à peine les gens du palais étaient-ils sortis, qu’elle se relevait sans aucune douleur, remerciait Dieu, et riait aux éclats en disant : « Que de remèdes perdus ! que d’acupunctures prodiguées inutilement à un corps en pleine santé ! »

Uniquement occupée à lire et à prier, elle fuyait avec le plus grand soin jusqu’à l’ombre du péché, et la réputation de sa ferveur se répandit rapidement parmi les chrétiens. Elle s’efforçait d’imiter les saints dont elle lisait la vie, parlait souvent de leur générosité envers les bourreaux, et témoignait le désir de les suivre au martyre. Pendant trois ans consécutifs, tous les soins de l’art lui furent prodigués par les médecins officiels qui, à la fin, ne voyant plus aucun moyen de guérir cette étrange maladie, la firent rayer de la liste des filles du palais. On cessa, dès lors, de lui faire toucher ses appointements mensuels. Bibiane, entièrement rassurée, rendit à Dieu de vives actions de grâces, pour sa protection si éclatante, et ne songea plus qu’à s’appliquer à la pratique de ses devoirs, et à l’exercice de toutes les vertus chrétiennes.

Trois ans plus tard, elle entra au service du P. Tsiou, avec Suzanne Kim Siem-a, mère du catéchiste Kim Sieng-tsiong-i, et pendant plusieurs années, elle s’acquitta de ses fonctions avec un dévouement et une piété exemplaires. Quand la persécution fut sur le point d’éclater, le prêtre s’étant retiré ailleurs, Bibiane revint près de sa mère, attendant le moment du martyre, et comme on semblait ne pas penser à elle, elle se désolait en répétant : « Est-ce que Dieu ne veut point de moi ? »

Suzanne Kim étant venue la voir un jour, oublia sous la natte de la chambre, où elle l’avait déposé en entrant, un papier sur lequel étaient écrites diverses prières. Les satellites s’étant présentés, quelque temps après, à la maison de Bibiane, avaient fouillé partout sans trouver aucun objet suspect, quand, à la fin, soulevant la natte, ils saisirent ce papier, et dirent à Bibiane : « Est-ce que vous aussi êtes chrétienne ? — Certainement, je le suis, » répondit-elle sans hésiter. Aussitôt ils la déclarèrent de bonne prise, et la pressèrent de partir ; mais la vierge chrétienne, se rappelant les exemples des saints, voulut d’abord exercer sa