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de Confucius et des autres philosophes les plus célèbres. Dans leur admiration, les mandarins ne l’appelaient que la femme savante, la femme sans pareille, et disaient qu’elle leur coupait la respiration, expression coréenne qui marque cette espèce de stupeur produite par un étonnement extraordinaire. Ils n’en devinrent que plus acharnés à obtenir son apostasie et employèrent contre elle tous les supplices que peut inventer la cruauté la plus raffinée ; mais toujours ils furent vaincus par la patience surnaturelle de leur victime.

La foi de Colombe triompha non moins glorieusement de son amour maternel. Son beau-fils Philippe, arrêté avec elle, mais incarcéré dans une autre prison, avait paru faiblir dans les tourments. Elle l’apprit, et l’ayant aperçu de loin un jour qu’elle se rendait de la prison au tribunal, elle lui cria d’une voix forte ; « Jésus est au-dessus de ta tête, et te voit ; peux-tu t’aveugler et te perdre ainsi ? Prends courage, mon enfant, songe au bonheur du ciel. » Cette généreuse exhortation sauva l’âme du jeune homme qui, fortifié par ces paroles, reçut, quelques mois plus tard, la couronne du martyre.

Dans sa prison. Colombe apprit la mort du P. Tsiou. Déchirant alors un pan de sa robe, elle y écrivit l’histoire des travaux apostoliques du missionnaire. Cette vie d’un saint, écrite dans les fers par une sainte qui le connaissait si bien, a été malheureusement perdue par la négligence de la femme chrétienne à qui le rouleau de soie avait été confié.

La ferveur de Colombe et de ses compagnes de captivité avait changé leur prison infecte en un lieu de prières. Fidèles à leurs exercices de piété, elles se soutenaient et s’encourageaient mutuellement, et ne cherchaient qu’à se rendre dignes de leur céleste époux qui, en retour, les couvrait d’une protection manifeste. Plus le moment du sacrifice approchait, et plus elles étaient heureuses ; la veille de leur mort surtout, elles paraissaient ivres de joie. Enfin se leva le jour si longtemps attendu, si ardemment désiré, le jour du triomphe et de la récompense. Le 23 de la cinquième lune (3 juillet), Colombe et quatre de ses compagnes montèrent sur le chariot, et furent conduites au lieu du supplice. Durant le trajet, elles ne cessaient de prier, de s’exhorter réciproquement, et de chanter les louanges de Dieu. La foule voyait avec étonnement une sainte joie briller sur leurs visages. Arrivée au lieu de l’exécution, Colombe se tourna vers le mandarin, qui présidait, et lui dit : « Les lois prescrivent de dépouiller de leurs vêtements ceux qui doivent être suppliciés, mais il serait incon-