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Luc Ni Hei-ieng-i, ami intime de Josaphat Kim, se trouva aussi réuni avec lui dans la même confession de foi, et partagea son martyre. Il habitait d’abord la ville de Nie-tsiou. C’est là qu’il fut instruit de la religion, et commença à la pratiquer. Plus tard, il émigra à la capitale, où sa foi et sa ferveur ne firent qu’augmenter. S’étant exercé dans sa jeunesse, à l’art de la peinture, il peignit nombre de sujets religieux, ce qui fut l’un des prétextes de sa condamnation. Elle est jointe à celle de Kim Paik-sioun-i, et datée du 29 de la troisième lune. Il paraît toutefois que son exécution fut remise au 1er juin, et qu’il fut décapité avec les autres confesseurs dont nous venons de parler.

Il y eut peut-être encore d’autres victimes ce jour-là ; car un mémoire contemporain nous dit que, parmi les parents, alliés et amis de Josaphat, une vingtaine furent pris, parmi lesquels il n’a pu savoir au juste ceux qui se montrèrent fidèles, ou eurent le malheur de faiblir. Il nous a été impossible de trouver des renseignements plus détaillés. Mais quel que fût alors le nombre des chrétiens dans cette famille, il n’y en a plus aujourd’hui un seul. Toutefois, l’esprit général de ses membres n’est pas hostile à la religion. C’est de cette famille qu’était la reine épouse du roi Sioun-tsong, décédée en 1857, et qui fut toujours favorable aux chrétiens, sans oser toutefois prendre leur défense ouvertement. La reine actuelle a la même origine, et les principaux gouverneurs qui, de nos jours encore, ont fait éviter bien des vexations aux chrétiens, sont la plupart des parents de Josaphat.


Un mois après, le 23e jour de la cinquième lune (3 juillet), neuf nouveaux martyrs furent conduits en dehors de la porte de l’Ouest, et décapités. Cinq de ces martyrs, par une violation de la loi coréenne, que la fureur des ennemis de la religion peut seule expliquer, étaient des femmes de condition noble. À la tête de cette glorieuse troupe, nous rencontrons l’auxiliaire dévouée du prêtre, Colombe Kang, dont nous avons parlé plus haut. Aussitôt après son arrestation, les juges, voulant lui arracher le secret de la retraite du prêtre, lui avaient fait subir jusqu’à six fois l’affreux supplice de l’écartement des os ; mais au milieu de ces tourments, elle resta muette et comme insensible, au point que les valets qui la voyaient se disaient entre eux : « C’est un génie, et non pas une femme. » Loin de donner le moindre signe de faiblesse, elle continua son apostolat dans la prison, et jusque devant les juges, proclamant sans cesse la divinité de la religion chrétienne, et apportant à l’appui de sa parole des preuves tirées