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tout arrangé pour que, sans apostasie formelle, le noble prisonnier fût relâché sur quelque petit signe, indifférent par lui-même. Comme on devait nécessairement le confronter avec le P. Tsiou, il avait été convenu avec les juges que, s’il voulait prétendre ne pas connaître le prêtre, il serait immédiatement mis en liberté. Quels combats ne durent pas se livrer dans le cœur de Josaphat à la vue de tous ses parents et des grands du royaume, qu’on laissait à dessein circuler dans la prison pour ébranler sa constance, et qui se jetaient en pleurs à ses pieds, le conjurant d’avoir au moins pitié des siens et d’éviter la ruine totale de sa famille ! lien fut sans doute un peu affecté, car quand on l’amena devant le prêtre et qu’on lui demanda s’il connaissait cet homme, il hésita un instant à répondre. Le P. Tsiou, comprenant sa tentation, essaya de le stimuler en disant : « Ah ! toi aussi tu vas te montrer un petit homme d’un petit royaume. » La fierté du noble coréen fut piquée de ce reproche, et, la grâce accompagnant cette parole sortie de la bouche d’un apôtre, chargé de fers pour Jésus-Christ, le confesseur reprit courage et confessa hardiment sa foi.

Dans les interrogatoires, Josaphat fit plusieurs fois éloquemment l’apologie de la religion, et apporta, pour la confirmer, une multitude de textes tirés des livres sacrés du pays. Les juges lui dirent : « Comment un homme d’une aussi noble maison peut-il parler et agir ainsi ? Tu veux user de nos livres sacrés pour confirmer une doctrine perverse, tu es digne de mort. » Josaphat répondit : « Je désire que toute la cour et les grands du royaume pratiquent cette religion, pour faire le bonheur du peuple, et assurer de longues années au roi. » Tous les expédients étant épuisés, et la constance du confesseur ne laissant plus aucun espoir, il fut condamné à mort.

Le 20 de la quatrième lune (1er juin), il fut conduit au lieu du supplice, en dehors de la petite porte de l’Ouest. Sa noblesse, sa vertu, sa réputation, y avaient rassemblé un concours immense de toutes classes et de toutes conditions. Durant le trajet, Josaphat conserva son calme et sa dignité, et arrivé au lieu du supplice, il dit à la foule réunie : « Les honneurs et la gloire de ce monde sont illusoires et mensongers. Moi aussi j’ai quelque réputation, et je pouvais obtenir de grandes dignités, mais les sachant vaines et fausses, je n’en ai pas voulu. Il n’y a que la religion chrétienne qui soit vraie, et voilà pourquoi je ne crains pas de mourir pour elle. Vous tous, pensez-y bien et suivez mon exemple. » Puis il inclina la tête et reçut le coup qui lui assurait l’immortalité bienheureuse. Il n’était âgé que de vingt-six ans.