Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

âgé que de dix-huit ans, lorsque son père adoptif vint à mourir. Or, le deuil légal, en Corée, se faisait alors avec les cérémonies du temps de la dynastie Song[1], en négligeant les rites plus anciens. Josaphat, qui avait des doutes à ce sujet, consulta le fameux docteur Ambroise Kouen T’siel-sin-i, qui alors n’était pas encore chrétien, et ayant, par son moyen, reconnu que certaines pratiques n’étaient pas fondées sur les livres sacrés, il les rejeta comme erronées et s’en abstint à la mort de son père. Les lettrés, effrayés de cette infraction aux usages, se récrièrent vivement. Aussitôt Josaphat, pour justifier sa conduite, écrivit une longue apologie, dans laquelle les citations et les preuves affluaient d’une manière si savante et si heureuse que Ni Ka-hoan-i, qui passait alors pour le premier lettré du pays, avoua qu’il ne pourrait rien faire de semblable.

À la maison, Josaphat se faisait remarquer par la gravité de son Caractère, sa piété filiale, sa fidélité et sa générosité. Sa famille étant riche, il prenait un vrai plaisir à dépenser en aumônes tout ce qu’il possédait, tandis que pour ses propres habits et pour sa nourriture, il se limitait au plus strict nécessaire, et se traitait comme un pauvre. S’il allait à la capitale, les chaises et les chevaux affinaient à la porte de la maison où il descendait, car chacun voulait avoir la satisfaction de le voir et de l’entretenir, au moins une fois. On raconte qu’avec Martin Ni et quelques autres amis, il avait conçu le projet de traverser la mer, pour aller à Péking consulter les savants européens, acquérir auprès d’eux beaucoup de connaissances utiles, et revenir les répandre dans son pays.

Jusqu’alors Josaphat n’avait ouï parler de la religion que très-indirectement, et n’en avait pas une idée exacte. De concert avec quelques amis, au nombre desquels se trouvait Rang I-tien-i, il s’était mis à l’étudier, pensant y trouver des secrets magiques et des procédés extraordinaires. Ce Kang I-tien-i était un lettré renommé du parti Sio-pouk, d’un esprit méchant et rusé. S’imaginant qu’il y aurait bientôt un changement de dynastie, il cherchait des recettes merveilleuses, et étudiait les arts magiques, pour être prêt à l’époque voulue et faire son chemin.

Josaphat, en se liant avec cet homme, était loin de connaître le fond de ses idées, car pour lui-même, outre la curiosité naturelle

  1. La dynastie Song est la dix-neuvième dynastie chinoise. Elle compta dix-huit empereurs, dans l’espace de 319 ans, de l’an de J.-C. 964 à l’an 1283. Ce fut la dernière dynastie nationale, à laquelle succédèrent les diverses dynasties tartares.