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(31 mai 1801), jour de la sainte Trinité, à l’heure appelée sin-si c’est-à-dire de 3 à 5 heures du soir. Le P. Tsiou avait alors trente-deux ans.

Pendant les longs préparatifs de l’exécution, le ciel, auparavant pur et serein, s’était tout à coup couvert de nuages épais, et un ouragan terrible éclata sur le lieu du supplice. La violence du vent, les roulements répétés du tonnerre, une pluie mêlée de houe et tombant par torrents, des ténèbres épaisses que les éclairs sillonnaient de toutes parts, tout contribuait à glacer d’épouvante les acteurs et spectateurs de cette scène sanglante. Mais à peine l’âme du saint martyr se fut-elle envolée vers Dieu, que l’arc-en-ciel parut, les nuages se dissipèrent et la tempête s’apaisa soudain. On eût dit que le soleil, après s’être voilé pour ne pas être témoin du crime des bourreaux, reprenait tout son éclat pour célébrer le triomphe de leur victime. Les spectateurs, païens et chrétiens, virent dans cette coïncidence si étrange, une preuve de la sainteté du missionnaire. « Le ciel n’est pas indifférent au sort de ce condamné, disaient les païens, frappés de stupeur, puisqu’il fait apparaître des signes aussi effrayants. »

La tête du martyr resta suspendue, et son corps exposé, au lieu de l’exécution, pendant cinq jours et cinq nuits, et, pendant tout ce temps on en garda strictement les approches, sans que personne eût la permission d’y pénétrer. On prétend que chaque nuit des arcs-en-ciel, ou des lumières éclatantes paraissaient sur le corps. Quoi qu’il en soit de ces faits, il est certain, et c’est une tradition unanime des chrétiens et des païens consignée dans plusieurs mémoires du temps, qu’il se passa alors des phénomènes extraordinaires, dont beaucoup de païens furent fortement impressionnés. Plusieurs chrétiens affirment qu’il n’est pas rare d’en entendre parler, encore aujourd’hui. Enfin le général donna ordre d’enterrer le corps, et on continua de le garder comme auparavant. Les chrétiens avaient bien remarqué le lieu, dans l’intention de transporter bientôt ailleurs les restes du martyr ; mais les gardiens, ennuyés de leurs veilles continuelles, allèrent l’enterrer secrètement dans un autre endroit. Depuis, les chrétiens ont eu beau le chercher, jusqu’à présent on ignore le lieu où reposent les précieuses reliques du premier missionnaire de la Corée.

Le souvenir du P. Jacques Tsiou est encore vivant dans le cœur des fidèles coréens, qui ne parlent qu’avec une profonde vénération de son zèle, de sa prudence, de sa vie mortifiée, de ses travaux et de sa mort. L’évêque de Péking avait dit en l’envoyant, qu’il