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fausse voie l’esprit du peuple, et, semblable à une inondation sans cesse croissante, sa doctrine, en se répandant, est devenue une calamité inquiétante, car ceux qui la suivent doivent nécessairement arriver à un état bien au-dessous de celui des sauvages et des animaux. Mais voici que, par un heureux destin, le ciel se chargeant de le poursuivre, le coupable s’est livré lui-même aujourd’hui. Ayant échappé aux satellites, il y a quelques années, il a continué depuis à répandre autour de lui et au loin ses fausses doctrines ; maintenant qu’il a été mis en prison, le peuple de la capitale et des provinces peut facilement reconnaître son illusion. Si l’on considère sa condition, il n’est que d’une origine basse et méprisable ; sa conduite est uniquement celle d’un fourbe et d’un artificieux. Pour sa punition, nous pensons qu’il est convenable de lui appliquer la loi militaire. On le conduira donc au tribunal militaire, pour qu’il soit exécuté selon les formes en usage, et que son supplice fasse impression sur la foule. Nous en chargeons le général du poste nommé O Iang-tsieng. Telle est notre volonté. »

Ce général, nous ne savons pour quel motif, ne voulut pas se charger d’une semblable mission. Il feignit une maladie qui l’empêchait de sortir, et un autre général fut nommé pour le remplacer. Au moment de sortir de la prison, le prêtre reçut la bastonnade sur les jambes, selon l’usage constant en pareille circonstance. Ensuite, il se rendit avec allégresse vers le lieu des exécutions militaires nommé No-teul, ou encore Mi-nam-to, situé à une lieue de la ville. Porté en litière, il dominait ceux qui l’entouraient, et en passant sur la place du marché, il regarda paisiblement toute la foule des curieux, puis dit qu’il avait soif et demanda du vin. Les soldats lui en donnèrent une tasse qu’il but en entier.

Lorsqu’il fut arrivé au lieu du supplice, on lui fixa une flèche dans chaque oreille, et on lui présenta le résumé de son procès, avec la sentence, pour qu’il prit lecture de ces diverses pièces. Quoique cet écrit fût fort long, il le lut en entier avec le plus grand calme, puis élevant la voix, il dit au peuple assemblé : « Je meurs pour la religion du Seigneur du ciel. Dans dix ans, votre royaume éprouvera de grandes calamités, alors on se souviendra de moi. » On le fit promener trois fois, selon l’usage, autour de l’assemblée ; puis, le général commandant les évolutions voulues, il s’agenouilla, joignit les mains, inclina avec bonheur la tête, qui bientôt tomba sous le glaive. C’était le 19 de la quatrième lune