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Sa situation et celle de ceux qui lui donnaient asile, devenant de plus en plus critique, un chrétien courageux alla en province lui préparer deux retraites sûres, et revint supplier Colombe Kang d’en prévenir le prêtre, se chargeant de le conduire lui-même, hors de l’atteinte des persécuteurs. Colombe répondit que c’était inutile, que le prêtre était trop bien caché pour avoir rien à craindre. Ce chrétien fit, à plusieurs reprises, de nouvelles instances, toujours sans succès, et fut lui-même obligé, quelques jours après, d’abandonner sa maison et de s’enfuir avec toute sa famille.

Augustin Tieng, dans les divers interrogatoires, n’ayant rien déclaré sur le prêtre. Colombe et Philippe le fils de son mari, furent interrogés à leur tour, et soumis à de cruelles tortures ; mais tous deux bien décidés à mourir, ne firent non plus aucune dénonciation. Alors le juge fit mettre à la question une des esclaves de Colombe, qui, vaincue par la souffrance, déclara toute la vérité, et en même temps fit connaître l’âge, la figure et la tournure du prêtre. Le juge dit alors à Colombe : « Ton esclave ayant tout dénoncé, il ne t’est plus possible de cacher la vérité ; déclare donc le lieu où s’est retiré cet homme. » Elle répondit : « Il est vrai qu’il est resté chez moi, mais il y a déjà du temps qu’il en est sorti, et j’ignore où il est maintenant. » En conséquence, on fit partout coller des affiches indiquant les récompenses promises à celui qui prendrait le prêtre, et l’on donna son portrait et son signalement que l’on fit circuler jusque dans les provinces éloignées.

Dans ce péril extrême, il restait au prêtre d’autant moins de chances d’échapper, que ses ennemis, peu scrupuleux sur le choix des moyens, travaillaient surtout à susciter des traîtres même parmi les chrétiens. On prétend qu’un mandarin feignit de se convertir, et parvint à connaître sa retraite. Quoi qu’il en soit, le P. Tsiou ne lui laissa pas le temps de venir l’y chercher. Il était alors dans le palais dont nous avons parlé, ou dans la maison attenante. Le 28 avril, 16 de la troisième lune, un peu après le son de la cloche qui permet de circuler dans la ville, il prit les habits d’un chrétien de cette maison et s’en revêtit. On lui demanda où il voulait aller, mais il répondit qu’il était inutile de le suivre, et sortit absolument seul. Un chrétien le suivait de loin pour savoir ce qu’il allait faire, mais le prêtre s’en apercevant, lui fit avec son éventail signe de s’en retourner. Le chrétien cependant continua à le suivre, quoique de plus loin ; et bientôt la foule qui circulait le lui ayant fait perdre de vue, il s’en revint chez lui.