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les gagner par la douceur, disant qu’une seule parole d’apostasie les ferait de suite mettre en liberté. Marcellin répondit au nom de tous : « Après avoir eu le bonheur de connaître et de servir le vrai Dieu, roi et père de tous les hommes, nous ne pouvons le renier. Nous préférons mourir. » Voyant toutes ses tentatives inutiles, le gouverneur leur fit donner la bastonnade sur les jambes, prononça contre eux une sentence de mort qu’il leur fit signer, puis les renvoya à la prison. Ils reçurent cette sentence avec une sainte joie, et dès lors redoublèrent de ferveur dans leurs oraisons et la pratique de tous leurs devoirs, afin d’obtenir la grâce de rester fermes jusqu’à la consommation de leur sacrifice.

Cependant, le païen Im Hei-ieng-i avait subi régulièrement avec les chrétiens deux interrogatoires par mois, sans jamais y proférer une parole. Comme eux, il avait souffert de violents supplices, et toujours sans pousser aucun cri, ni même ouvrir la bouche. Le juge stupéfait lui dit à plusieurs reprises : « Toi qui n’es pas chrétien, promets seulement de faire les sacrifices d’usage et je te renvoie immédiatement ; mais si tu refuses de le faire, je te mettrai à mort. » Hei-ieng-i restait toujours muet. Enfin, après l’interrogatoire de la dixième lune, les chrétiens ses compagnons de prison lui dirent : « Pour toi qui n’adores pas notre Dieu, les supplices que tu endures sont tout à fait inutiles. Il vaudrait bien mieux faire ta soumission et te conserver la vie. » Alors seulement il répondit : « Mon père à l’heure de la mort, en déclarant ses dernières volontés m’a dit : Si tu fais les sacrifices pour moi, tu n’es plus mon fils, et je te défends de porter mon deuil ; maintenant que j’ai pris le deuil, comment pourrais-je pour me conserver la vie promettre de faire les sacrifices ? Si l’on me tue, j’en serai quitte pour mourir ; mais faire les sacrifices, jamais ! »

Ce respect pour les ordres d’un père mourant, cette résolution inébranlable de ne jamais les enfreindre, peuvent sembler bien extraordinaires, surtout chez un païen. Mais, quand on connaît l’esprit de ce peuple, dont toute la religion se résume dans l’honneur et l’obéissance que les enfants doivent à leurs parents vivants ou morts, l’étonnement diminue. Tous les missionnaires peuvent affirmer, pour l’avoir vu, que des faits analogues ne sont pas rares dans ce pays.

Les chrétiens voyant Hei-ieng-i si déterminé, travaillèrent à l’exhorter et à l’instruire. Ils lui firent comprendre que puisque son père était mort chrétien, et lui avait défendu les sacrifices par respect pour la vraie religion, ce serait lui obéir beaucoup