Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jour de la fête, la famille et ses hôtes se réunirent à quelques fidèles du voisinage, sur le bord de la route. Là, tous récitèrent à haute voix l’Alleluia et le Regina cœli, puis chantèrent leurs prières au son de la calebasse. Ils firent ensuite un repas avec la viande et le vin qu’ils avaient apportés, et le repas terminé, les chants recommencèrent. Le jour s’écoulait ainsi dans des exercices de piété et dans un festin fraternel, lorsque le mandarin, prévenu par des païens de ce qui se passait, envoya des satellites pour les saisir. Ils furent tous arrêtés et conduits en prison. Pendant le trajet on passa devant la maison de Jean Ouen, et sa vieille mère, tout en larmes, se jeta au-devant des satellites, les conjurant de lui permettre de voir son fils un instant avant de l’emmener, mais elle ne fut pas écoutée, et les prisonniers continuèrent leur route. Arrivés au tribunal, le mandarin leur dit : « Dénoncez vos complices et ceux qui vous ont séduits, et reniez Dieu. » Jean répondit au nom de tous : « Il nous est sévèrement défendu de dénoncer quelqu’un ; et dussions-nous mourir, nous ne pouvons nuire à personne. Quant à renier Dieu, la chose est encore plus impossible. » Le mandarin en colère leur fit subir l’écartement des os et la puncture des bâtons. Mais soutenus par le courage et les exhortations de Martin Ni, tous furent fermes dans ces violents supplices, qu’on renouvela inutilement plusieurs fois. Ils furent ensuite enfermés dans la prison.

Vers cette époque, vivait à Tiem-teul, dans ce même district de Nie-tsiou, un noble nommé Im Hei-ieng-i, de la branche des Im de Pong-tsien. Son père, sa mère, ses frères et sœurs étaient fervents chrétiens. Lui seul s’obstinait à rester païen, et donnait pour excuse que c’était une chose au-dessus de ses forces, « puisque, disait-il, pour pratiquer fidèlement la religion, il faudrait n’avoir ni yeux, ni oreilles, ni aucun autre sens. » À toutes les exhortations, à tous les reproches de son père, il ne répondait jamais un seul mot. Sur son lit de mort, son père le fit appeler et lui dit : « Si avant de mourir je te voyais chrétien, je n’aurais plus aucun regret en quittant ce monde. » Le fils gardant le silence, « Je dois mourir demain, reprit le père. À ton air, je suppose qu’après ma mort tu comptes me faire les sacrifices d’usage pour les parents. Pendant ma vie tu ne m’as guère écouté, eh bien ! écoute maintenant : si après ma mort tu fais les sacrifices, je ne te regarde plus comme mon fils, et je te défends de porter mon deuil. » De telles paroles sont, chez tous les Orientaux, mais en Corée surtout, le plus terrible des anathèmes. Ici encore Hei-ieng-i ne répondit rien.