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assez singulière, les deux premiers prêtres coréens étaient de sa famille : le P. André Kim, petit-fils d’une de ses nièces, et le P. Thomas T’soi, petit-fils d’un de ses neveux. Sa descendance directe est aujourd’hui éteinte.

Quinze jours après le triomphe de Louis de Gonzague Ni, eut lieu dans cette même ville de Kong-tsiou l’exécution d’un autre chrétien, assez peu connu. Les quelques détails qui suivent ont été racontés par un vieillard octogénaire, que des circonstances avaient alors amené près de la prison, et qui entendit distinctement tout ce qui s’y passait. Ni T’siong-kouk-i, dont on ignore la famille et le nom de baptême, avait été pris à T’siong-tsiou et conduit au chef-lieu de la province. La veille de sa mort, vers le milieu du troisième mois, la lune étant dans tout son éclat, il se tint, toute la nuit, appuyé sur le seuil de la porte de sa prison, récitant ses prières. Au point du jour, il entr’ouvrit la porte et regardant du côté de l’Orient, il s’écria à diverses reprises : « Pourquoi le jour tarde-t-il tant à paraître ? » Puis, entendant un coup de fusil, il se leva tout rempli de joie et dit : « Voilà qui est un bon signe, on ne tardera pas à m’appeler, » et il se remit en prières avec un redoublement de ferveur.

Quelques minutes après, un nouveau coup de fusil se fit encore entendre, la porte de la prison s’ouvrit, et les geôliers lui apportèrent le repas des condamnés à mort. Ni T’siong-kouk-i se mit à table, remercia Dieu longuement d’avoir créé dans le monde une telle abondance de biens, puis goûta de chacun des mets qu’on lui avait présentés, et, renvoyant la table, se mit de nouveau à prier. Tout à coup, un cri fut entendu : « Faites sortir Ni T’siong-kouk-i. » Il se leva aussitôt et appelant par leur nom chacun des chrétiens qui étaient prisonniers avec lui, il leur dit : « Pour moi, par la miséricorde infinie de Dieu et le secours de Marie, je vais maintenant jouir du bonheur du ciel ; vous tous ne perdez pas confiance, faites comme moi. » Il les exhortait ainsi chaleureusement et à haute voix, lorsque les soldats le pressèrent de sortir. On le plaça sur un cheval, la figure tournée vers la queue. Le visage rayonnant de joie, il fut conduit au lieu de l’exécution, et décapité, dans la vingt-septième année de son âge.