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Dieu que je sers, c’est le souverain Seigneur du ciel, de la terre, des esprits, des hommes et de toutes choses. Mathieu Ni (nom coréen du P. Matthieu Ricci, l’apôtre de la Chine), et les autres missionnaires, sont des hommes admirables de doctrine et de sainteté ; toutes leurs paroles sont vraies. Je désire donc maintenant mourir pour Dieu, et par là confesser la vérité de la foi chrétienne. » Les premiers ministres qui présidaient le tribunal furent aussi irrités que surpris des paroles du confesseur de la foi, et une grande rumeur s’éleva dans toute l’assemblée. Un exprès fut immédiatement envoyé à la régente pour l’informer de ce qui venait d’avoir lieu, et celle-ci furieuse envoya l’ordre de soumettre Luc à une cruelle torture. Son corps fut brisé de coups. Renvoyé à la prison, il disait, en lavant le sang qui découlait de ses blessures : « Maintenant, je suis heureux, et j’ai le cœur à l’aise. » S’il faut en croire la sentence, Luc aurait dit aussi qu’il souffrait la mort avec joie, comme une punition de ses anciennes apostasies. Quand il monta sur le chariot pour aller au supplice, sa figure rayonnait de bonheur. Les yeux levés au ciel, il ne cessait d’exhorter le peuple. Il mourut ainsi, à l’âge de cinquante-un ans.

L’auteur contemporain qui nous a conservé ces faits, ajoute quelques paroles bien dignes d’attention : « Après avoir été fermes au commencement, dit-il, beaucoup fléchissent à la fin. Se relever après la chute, et devenir martyr après l’apostasie, n’est pas chose commune, ni facile. Luc Hong, à ce qu’on assure, récitait tous les jours son rosaire ; même au milieu de ses fonctions publiques, et de la foule des hôtes et des amis qui s’empressaient chez lui, il ne l’omit jamais un seul jour. C’est sans doute cette pratique qui lui aura mérité une grâce aussi extraordinaire. » — On est heureux de trouver cette réflexion touchante sous la plume d’un néophyte. C’est une preuve de plus que partout et toujours, les vrais chrétiens ont, pour ainsi dire instinctivement, la même foi inébranlable dans la toute-puissante intercession de Marie, mère de Dieu,

Les derniers moments d’Augustin Tieng furent dignes de sa vie. Quand on le conduisit au supplice, son visage paraissait tout lumineux. Pendant le trajet il appela le conducteur et lui dit qu’il avait soif. Les assistants l’ayant réprimandé, il répondit : « C’est pour imiter mon grand modèle que je demande à boire.» Infatigable prédicateur dans la prison et devant le tribunal, il fit encore du théâtre de son martyre une chaire bien éloquente. Assis en face des instruments de supplice, il les contempla avec