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qu’on les extermine de façon à n’en laisser aucun germe. Telle est notre volonté ; qu’elle soit connue et exécutée, tant dans la ville capitale que dans les provinces. »

Cet édit sanglant n’était que l’écho des cris de mort que poussaient de toutes parts les ennemis du nom chrétien, car pendant tout le cours de la première et de la deuxième lune, on vit publier une foule d’adresses au roi, de pétitions aux ministres, de circulaires des nobles, etc., venues de tous les points du royaume. Nous en avons sous les yeux une collection qui, bien que très-incomplète, montre à quel point les esprits étaient montés, et prouve à elle seule qu’aucune force humaine ne pouvait arrêter la persécution.

Comme il arrive toujours en pareille circonstance, l’enfer suscita parmi les chrétiens eux-mêmes quelques traîtres qui vendirent leurs frères. Entre ces malheureux un surtout acquit une triste célébrité par les désastres qu’il occasionna. C’était Kim Ie-sam-i, originaire du district de Ho-tsiong, dans la province de Tsiang-tsien. Ses trois frères aînés ayant quitté leur pays pour échapper à la persécution, étaient venus s’établir à la capitale. Ie-sam-i les y suivit. Mais bientôt il se perdit par la fréquentation des mauvaises compagnies et, malgré les avis de ses frères, tomba dans les plus grands excès. Réduit à la misère, il extorqua d’abord quelques aumônes à un chrétien de sa connaissance, originaire de la même province, nommé Ni An-tsieng-i. Puis, celui-ci ne pouvant ou ne voulant satisfaire à ses demandes, il lui voua une haine acharnée.

Ni An-tsieng-i fréquentait les sacrements, Ie-sam-i, qui le savait, se dit à lui-même : « Si le prêtre l’exhortait à faire l’aumône, il ne pourrait s’empêcher de la faire, et s’il ne la fait pas, c’est que le prêtre ne l’y pousse pas. » Afin de se venger du prêtre, il s’en alla faire une déclaration aux chefs des satellites. Ceux-ci qui, depuis l’entrée du prêtre en Corée, n’avaient encore pu pénétrer les secrets des chrétiens, furent transportés de joie et lui dirent : « Si l’affaire réussit, nous te ferons obtenir une place grassement rétribuée. Tâche seulement de savoir où est maintenant cet homme. » Le prêtre restait à cette époque chez Colombe Kang, et Ie-sam-i s’en doutait. Il convint avec les satellites d’un jour où ils pourraient venir chez lui, promettant de leur faire savoir la retraite du prêtre. Mais il tomba gravement malade, et son projet échoua. Le P. Tsiou, averti secrètement, se retira ailleurs.

En vain Ni An-tsieng-i essaya de ramener cet infortuné en